Le blog des éditions Libertalia

Christophe Naudin sur France 24

jeudi 12 novembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Christophe Naudin était l’invité du jour sur France 24, le 11 novembre 2020.

Christophe Naudin dans Les Inrocks

mercredi 11 novembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Les Inrocks du 4 novembre 2020.

Pourquoi il faut lire le Journal d’un rescapé du Bataclan de Christophe Naudin

Avec force et lucidité, l’historien Christophe Naudin, victime du 13 novembre, dénonce dans son journal ceux qui récupèrent les attentats jihadistes pour nourrir leur idéologie. Rencontre.

Le matin où nous rencontrons Christophe Naudin, le 29 octobre, dans un café du XIVe arrondissement, il est un peu accroché à son téléphone portable et à son fil Twitter. La nouvelle vient de tomber : trois fidèles de la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption, à Nice, ont été tués au couteau un peu plus tôt. L’une des victimes a été égorgée dans le lieu de culte, rappelant le mode opératoire utilisé lors de l’assassinat de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie décapité le 16 octobre lors d’un attentat terroriste islamiste à Conflans-Sainte-Honorine.
La députée de la France insoumise Clémentine Autain a publié un tweet faisant part de ses « pensées émues et solidaires pour les victimes et pour leurs proches ». Elle reçoit un torrent de haine en réponse, accusée – comme beaucoup ces temps-ci – d’« islamo-gauchisme » et traitée de « collabo » pour ses réactions passées, présentées comme davantage attentives aux dangers de l’islamophobie et de l’extrême droite qu’à ceux de l’islamisme.

« Tourner la page »

« C’était malheureusement prévisible », se désole Christophe Naudin en ôtant son long manteau en cuir noir. Ce prof d’histoire-géographie au collège à Arcueil (Val-de-Marne) connaît bien ces sujets. Le 13 novembre 2015, il était au concert des Eagles of Death Metal, groupe dont il est fan, dans la fosse, quand les terroristes ont fait feu sur la foule. Avec d’autres, il s’est réfugié dans un cagibi pendant plus de deux heures. L’un des deux amis avec qui il était, Vincent, a été fauché.

Dans Journal d’un rescapé du Bataclan, paru aux éditions Libertalia, cet historien de 45 ans, spécialiste de l’islam médiéval et politique (coauteur avec William Blanc d’un livre sur la récupération de Charles Martel par l’extrême droite), a consigné ses réflexions, ses critiques et ses obsessions de décembre 2015 à décembre 2018. Les publier telles quelles est une manière pour lui de « tourner la page ». Il y tient par exemple la liste des attentats qui ont frappé la France et l’étranger, depuis ce jour funeste où l’histoire l’a percuté. Elle est incroyablement longue – de Bruxelles à Barcelone, d’Orlando à Magnanville –, autant que celle des récupérations idéologiques qui en ont été faites.

« En refusant le réel, ils alimentent justement l’amalgame »

Dans ce texte brut écrit « sous le coup d’une colère sourde » (symptomatique du stress post-traumatique), Christophe Naudin décrit avec beaucoup de lucidité la dégradation du climat politique, entre les islamophobes qui utilisent les attentats pour nourrir leur haine d’un côté, et un discours de gauche – sa famille politique, sans aucune ambiguïté – qui se refuse à parler de risques terroristes jihadistes par peur d’être accusé d’amalgamer tous les musulmans, de l’autre. « Ils font en fait ce qu’ils reprochent aux islamophobes. En refusant le réel, ils alimentent justement l’amalgame », note Christophe Naudin avec amertume.

En quelques années, cet ancien abonné à Charlie Hebdo (journal dont il achète encore quelques numéros, mais dont il s’est éloigné à cause notamment des éditos « craignos » de Riss) a vu cet étau se refermer. Ceux qu’il appelle « les entrepreneurs de l’islamophobie » ont peu à peu saturé l’espace médiatique et les réseaux sociaux. « Ils et elles cherchent à gagner du crédit politique et à faire prospérer leurs idéologies en instrumentalisant les attentats, vus sous le prisme de l’islamophobie, que ce soit celles ou ceux qui en profitent pour nourrir leur haine de l’islam, ou ceux qui prétendent la combattre », écrit-il dans sa postface. Il n’y a qu’à constater à quel point l’insulte « islamo-gauchiste » s’est diffusée, jusqu’au sommet de l’État (via Gérald Darmanin), pour prendre la mesure de la dérive du champ politique, et de la stérilité des discussions.

« Ni complices, ni responsables, mais inaudibles »

Le drame, pour Christophe Naudin, c’est qu’aujourd’hui certain·es personnalités qui tiennent un discours juste sont devenu·es inaudibles, pour avoir voulu cantonner le jihadisme aux faits divers. « Ils se sont tellement trompés par le passé, ont tellement minimisé les choses, ont tellement parlé de loups solitaires, ont tellement dit qu’il ne fallait pas parler de danger jihadiste ou islamiste, car ça risquait de stigmatiser les musulmans… », énumère-t-il d’une voix basse, presque sans ciller. « Ils ne sont ni complices ni responsables des attentats, mais ils sont désormais inaudibles. Et ce dont ils sont responsables en partie, c’est du climat dont ils sont maintenant victimes. Car ceux qu’on entend maintenant, et qui se permettent tout sur les plateaux de télévision, ce sont les islamophobes. »

À l’approche des cinq ans de l’attentat du 13 novembre, alors que tout semble à nouveau s’embraser – à Nice, Avignon, Lyon, Vienne –, ce fan de rock (Queens Of The Stone Age, Rage Against The Machine) doté d’un esprit critique affûté a l’air de considérer l’époque avec une bonne dose d’affliction. « Je n’arrive pas à être optimiste. Les seuls qui me rendent un peu optimiste, ce sont mes élèves », dit-il en esquissant un sourire. Les anecdotes sur les gestes de ses élèves à son retour au collège – une photocopie du Traité sur la tolérance de Voltaire, avec un petit graf’ « cool frère » remis par un élève de cinquième, par exemple – figurent parmi les pages les plus émouvantes de son livre.

« L’empathie a fondu en un an »

La décapitation de Samuel Paty l’a forcément secoué, lui qui écrivait le 5 décembre 2015 dans son journal : « Après avoir visé des lieux festifs et de perversion, Daech voudrait à présent s’attaquer aux enseignants. Ce n’est pas une grande surprise […]. On attend avec impatience les formations proposées par l’Éducation nationale pour réagir à une attaque en salle des profs par des individus armés de fusils d’assaut et de ceintures d’explosifs. »

D’autant plus que le temps du recueillement et du deuil national a été très vite balayé (à l’image de l’hommage finalement réduit à une minute de silence) au profit du combat politique et de son cortège de mauvaise foi. En 2020, exit la compassion. « C’était déjà le cas avant, mais c’était moins rapide », observe Naudin. À propos d’amis à lui qui s’offusquaient que les victimes d’attentats soient indemnisées à vie, il écrit aussi dans son journal : « Ils sont à l’image de la société, dont l’empathie a fondu en un an. » Malheureusement, au regard des faits, comment lui donner tort ?

Mathieu Dejean

Christophe Naudin dans Le Parisien

mercredi 11 novembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Parisien, le 1er novembre 2020.

La violence, l’abjection, la douleur, il les connaît. Et il n’a pas peur d’en parler. Christophe Naudin, 45 ans, professeur d’histoire-géographie, est l’un des rescapés de l’attentat du Bataclan, perpétré le 13 novembre 2015. C’est d’une plume trempée dans l’horreur qu’il l’a gravé dans son carnet de bord sorti depuis peu aux éditions Libertalia sous le titre « Journal d’un rescapé du Bataclan - Etre historien et victime d’attentat ».
Pourtant, en ce lundi de rentrée scolaire, et à l’heure de l’hommage devant être officiellement rendu à l’un de ses collègues, Samuel Paty, assassiné le 16 octobre dernier à Conflans, le prof d’histoire-géo du collège Dulcie-September d’Arcueil (Val-de-Marne), ne parlera pas à ses élèves de cette nouvelle abomination. Pas directement.

Il dénonce un hommage « réduit »

« J’ai hâte de retrouver les élèves et de pouvoir parler de l’attentat avec eux, mais depuis ce vendredi soir, nous menons, avec des collègues, une réflexion sur cet hommage réduit, imposé par le ministre. Nous ne sommes pas pour, car nous avons pris cela pour une sorte de gifle. »
Après avoir enseigné à Stains (Seine-Saint-Denis), à Vitry, Fresnes et au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), Christophe Naudin professe depuis six ans dans ce collège d’Arcueil, auprès d’élèves de six classes, de la 6e à la 4e.
Il trouve « réducteur » l’hommage sous forme d’une minute de silence contextualisée. « Beaucoup de collègues se sont sentis insultés, méprisés. Cette décision a été prise sous prétexte de menaces sanitaires et sécuritaires. S’il y a un vrai danger, on ferme ! On ne réduit pas cet hommage. On avait déjà prévu de travailler sur le long terme, sur la liberté d’expression, comme ce que l’on fait d’habitude. »
« Cette annulation d’un vrai hommage ne va pas annuler une éventuelle attaque », poursuit celui qui, en décembre 2015, ayant lu dans le magazine francophone de l’organisation Etat islamique, Dar al-Islam, une dénonciation du « complot judéo-maçonnique » qui serait à l’origine de l’école républicaine, avait écrit dans son carnet de bord : « Après avoir visé des lieux festifs et de “perversion”, Daech voudrait à présent s’attaquer aux enseignants. Ce n’est pas une grande surprise. »
En préparant sa rentrée dans ce collège de 750 élèves de toutes origines sociales, culturelles et géographiques, Christophe Naudin avait accepté l’idée d’une matinée dédiée à son collègue assassiné, enrichie par une réunion de toute l’équipe du collège. « Nous voulions aussi recevoir nos élèves, échanger avec eux, en binôme. Et ensuite serait venu le temps de la minute de silence et de la lecture du texte de Jaurès. Là, c’est anti-pédagogique. Il est très important d’écouter les élèves. »

Un devoir maison sur Samuel Paty

Ce lundi, le prof et ses collègues en grève communiqueront avec les parents d’élèves. Il se penchera aussi sur le devoir maison qu’il a distribué à ses élèves durant les vacances. « J’avais prévu de les faire travailler sur le procès de Charlie Hebdo, mais à la suite de l’attentat de Conflans, je leur ai demandé de rédiger une sorte de mini-article de journal sur ce qui s’est passé et pour quelles raisons. Avec la possibilité, s’ils le souhaitaient, de dire ce qu’ils en ont pensé. Une façon d’amorcer la discussion à venir. »
Ce dimanche soir, deux élèves avaient déjà rendu leur devoir par mail à ce prof de gauche, activement engagé contre la haine des musulmans. « C’est un travail à moyen et long terme », conclut l’enseignant.

Corinne Nèves

Le Testament du banquier anarchiste sur Des livres rances

mercredi 11 novembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Des livres rances le 4 novembre 2020.

Ce curieux roman hybride se permet bien des libertés ! Comme son nom l’indique il s’appuie en trame de fond sur le texte dynamite Le Banquier anarchiste écrit en 1922 par Fernando Pessoa, le poète portugais. Il l’analyse, mais a en plus le culot d’imaginer une rencontre de nos jours sur la terrasse d’un café entre les auteurs du présent livre et LE banquier anarchiste, qui développe un peu plus l’idéologie politique qu’il a commencé à mener dans le roman de Pessoa.

Les rencontres entre les auteurs et le banquier se tiennent chaque jour, sur cette terrasse, durant une semaine. Plus qu’une interview du banquier, il s’agit d’échanges de réflexions politiques, historiques et philosophiques, qui pleuvent et argumentent les thèses. Adeline et Édouard, les deux interlocuteurs du banquier, le questionnent à propos de plusieurs idées couchées sur papier en 1922, mais font part de leurs propres convictions. 

Beaucoup de sujets actuels défilent en ces pages, jamais traités à la légère, et souvent avec une grande pertinence. Des points de vue de Pessoa, du moins de son banquier, sont validés, d’autres débattus. Le fond de ce livre est très pacifiste mais offensif, il ouvre des horizons, entre action collective ciblée et efforts individuels isolés.

Il est aussi guide historique, faisant allusion à de nombreuses dates qui ont pu marquer le mouvement anarchiste, en plus de l’analyse actuelle d’événements historiques majeurs. Le débat est foisonnant autour de l’histoire de la démocratie, ses conséquences, son présent et son avenir. Beaucoup de thèmes sont abordés sans ton professoral, mais laissant ouvertes les solutions possibles ou envisagées.

Bien sûr, ce fameux banquier croisé vers 2019 par les auteurs aurait au minimum 120 ans de nos jours, donc un secret se cache derrière cette exceptionnelle longévité. Car ce banquier anarchiste dont nous ne connaîtrons pas l’identité a été de tous les fronts, a connu par exemple des figures majeures de l’anarchisme des arts, comme Orwell ou Istrati, ceux de la politique comme Nestor Makhno, raconte sa vision des combats du XXe siècle, qu’ils soient en URSS, en Espagne en France ou ailleurs.
 
Les références égrenées dans ce faux roman sont très nombreuses et ont besoin d’être digérées une à une. Le récit est un peu construit à la manière de La Mémoire des vaincus de Michel Ragon (auquel il fait d’ailleurs référence), souvenirs d’un homme qui a été durant sa vie de toutes les luttes.
 
« Il ne s’agit pas de consacrer sa vie à la politique, ce serait épuisant et nous passerions à côté de choses plus ou moins importantes. Non, il s’agit seulement de donner la capacité aux individus de s’occuper de politique quand ils le souhaitent. De parier sur le fait que s’ils ont le pouvoir, ils s’investiront davantage. »
 
Sorte de pamphlet contre la violence, il en développe ses arguments : « Le pouvoir est démuni devant ceux qui lui opposent une résistance active non violente : il ne peut plus justifier de les réprimer. C’est ce qui a permis des révolutions démocratiques en Europe de l’Est ou en Afrique du Sud, dans les dernières décennies. Voyez-vous, j’ai réalisé que le propre de l’anarchisme n’est pas seulement de lutter contre le pouvoir autoritaire de l’État mai… contre le pouvoir autoritaire en général ! Or, qu’est-ce que la violence, si ce n’est le pouvoir autoritaire par excellence ? La lutte contre la domination étant une affaire de culture et d’éducation, il est nécessaire de lutter au maximum contre cette violence qui peut contaminer toute société, y compris celle qui se réclamerait de l’anarchisme. »

Ce « testament » laisse des portes ouvertes, il n’est ni figé ni péremptoire, c’est ce qui en fait indéniablement sa force. Il est sorti en 2020 aux éditions Libertalia, et même si l’on s’en tenait là, ce serait un ouvrage à lire d’urgence, mais si j’ajoute que l’intégralité du bref roman de Fernando Pessoa Le Banquier anarchiste qui a servi de support à ce livre est ici proposé en intégralité, quelle sera votre réaction ? Et pourtant oui, cet extraordinaire texte est offert en fin de volume.

Le Banquier anarchiste de Pessoa a donc été écrit en 1922, fort de seulement quelques dizaines de pages, cependant suffisantes pour admirer la puissance du poète. Contrairement à son petit enfant de 2020 présenté ci-dessus, il est plus un monologue qu’un dialogue entre interlocuteurs. Le banquier y raconte brièvement sa jeunesse ouvrière, son goût pour la culture, son envie de monter en grade. Il se fait tour à tour philosophe, sociologue, historien.
 
Le banquier possède un ennemi : les fictions sociales. Pour les combattre il ne croit pas au collectif en tant que force politique, dans lequel il voit une certaine tyrannie (il s’en explique fort judicieusement), il revendique plutôt une somme d’individualismes sincères et quotidiens. Il est contre la révolution car il ne voit en elle qu’une future dictature militaire, une dictature révolutionnaire, il se fait visionnaire : « Qu’a-t-elle engendré, la Révolution française ? Napoléon et son despotisme militaire. Et vous verrez ce qu’engendrera la Révolution russe : quelque chose qui retardera de plusieurs dizaines d’années l’accomplissement de la société libre. » Il croit en revanche à la révolution sociale de tous les jours.
 
Le banquier s’entretien sur l’égoïsme (qu’il ne faut surtout, mais alors surtout pas confondre avec l’individualisme), a horreur de ce qu’il appelle la « théorie du secours » où un être va en aider un autre en lui prodiguant par exemple force conseils qui en fait ne font que pointer les limites de la personne aidée, ne pas lui laisser la marge de manœuvre suffisante à son épanouissement, et accessoirement la prendre pour un être inférieur incapable de décider seul. Le banquier n’est jamais vraiment tendre avec ses semblables et l’un de ses leitmotivs est « Travailler tous dans le même but mais séparément ». On pourrait y ajouter sans grand risque de se tromper : combattre non pas les capitalistes mais le capital. Car le banquier préfère s’attaquer aux institutions, puisque les humains sont interchangeables.
 
Mettre en place une société anarchiste ? « On peut admettre que le système anarchiste est réalisable et douter qu’il le soit d’un coup – c’est-à-dire qu’on puisse passer de la société bourgeoise à la société libre sans qu’il y ait un ou plusieurs stades ou régimes intermédiaires. Celui qui émet une telle objection considère bonne – et réalisable – la société anarchiste, mais il a l’impression qu’il doit y avoir un quelconque stade transitoire entre la société bourgeoise et celle-ci. »

Le Banquier anarchiste est un texte bref et résolument corrosif, dans lequel il nous semble que tout est dit, de manière intemporelle, le genre de textes qui fait date, qui s’impose au-delà de l’histoire. Merci aux éditions Libertalia pour l’avoir rendu à nouveau facilement accessible.

Warren Bismuth

Christophe Naudin dans le Journal du Dimanche

mercredi 11 novembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Extrait de l’article paru le 10 novembre 2020 sur le site du Journal du Dimanche.

Samuel Paty, 13-Novembre… Christophe Naudin, rescapé du Bataclan et professeur d’histoire se confie.

Christophe Naudin, prof d’histoire-géo, était présent au Bataclan, le 13 novembre 2015, lors des attentats. Les craintes qu’il évoque dans un livre qui vient de paraître sont hélas plus que jamais d’actualité.

Il dort très mal ces temps-ci. « Je fais des rêves désagréables. Je ressens des tensions dans la nuque, des douleurs au bras droit. Je suis très fatigué, et un peu irascible », confie Christophe Naudin. À l’approche du 13 novembre, le stress augmente. Car le professeur d’histoire-géo était présent, en 2015, lors de l’attentat du Bataclan. Impossible d’oublier le regard haineux du terroriste, la kalash qui crache des flammes et les deux heures réfugié dans un cagibi avant d’être exfiltré par le raid. 
Cette année, il attendait beaucoup des commémorations : « C’était les cinq ans, ça retombait un vendredi 13, au moment de la sortie de mon bouquin (Journal d’un rescapé du Bataclan, éditions Libertalia). Ça me semblait un bon moment pour repartir sur de nouvelles bases. » Las, la seconde vague de Covid et le reconfinement ont conduit à annuler les cérémonies. « Une grosse frustration » pour cet historien de 44 ans. Au retour des vacances, le contexte terroriste et sanitaire avait déjà contraint à réduire l’hommage collectif à Samuel Paty, le collègue décapité par un islamiste. Ce changement l’avait fortement contrarié, le poussant à faire grève le jour de la rentrée.

Le rescapé ne met pas en avant son statut de victime

Comment ne pas s’identifier au prof martyr ? Cette mise à mort l’a sidéré… sans le surprendre pour autant. « La menace pèse sur nous depuis longtemps », rappelle-t-il. Son carnet de bord en témoigne. « Daech voudrait à présent s’attaquer aux enseignants », écrit-il déjà, le 5 décembre 2015. Le groupe État islamique vient alors de cibler les profs. Et l’angoisse revient régulièrement : « Ma nouvelle salle de cours n’est pas idéale en cas d’attaque du collège, note-t-il ainsi en septembre 2017. Je donne direct sur la cour, avec des vitres sans rideaux… »

par Marie Quenet