Le blog des éditions Libertalia

Une belle grève de femmes dans Le Canard enchaîné

jeudi 17 août 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

publié dans Le Canard enchaîné, 16 août 2023.

Pemp real a vo !
(Cinq réaux ce sera !)

Dès que leurs pêcheurs de maris revenaient au port, il leur fallait emboîter les sardines – les chambres froides n’existaient pas.
Dans les conserveries, elles travaillaient dix, quinze, dix-huit heures d’affilée. Elles tombaient de fatigue. Chantaient pour ne pas dormir. Commençaient dès l’âge de 8 ans. Étaient les ouvrières les moins payées de France. Portaient des sabots. Allaient à l’église, la même que celle des patrons, mais au fond. « La colère monte contre ces industriels qui se croient au-dessus du péché parce qu’ils trempent la main dans le bénitier tous les dimanches. »
Alors, quand le 21 novembre 1924, un contremaître refuse de les recevoir, tout explose. La grève. Dans les 21 conserveries du port de Douarnenez. Le Flanchec, le maire communiste de la ville, grande gueule, orateur-né, « archétype du multifiché », soutient leur grève d’enthousiasme. Charles Tillon, alors responsable de la CGTU en Bretagne, vient s’installer sur place. Pierre Bénard, qui douze ans plus tard sera rédac chef du Canard, vient pour une interview assassine de René Béziers, patron particulièrement borné.
Justin Godart, le ministre du Travail, finit par recevoir une délégation d’usiniers et une autre de grévistes. Effaré, il confie à ces derniers : « Vos patrons sont des brutes et des sauvages. » Opposés à toute négociation, ceux-ci embauchent une poignée de voyous briseurs de grève. Lesquels débarquent bientôt à Douarnenez. Le jour de l’An, dans un bistrot, ils tirent sur Le Flanchec, lui trouant la gorge. C’est l’émeute. Pour étouffer le scandale, les usiniers se résolvent à négocier. « On a eu les vingt-cinq sous ! Pemp real a vo ! » La grève a duré plus de six semaines.
En s’appuyant sur les meilleures archives, la journaliste Anne Crignon raconte cette fière saga avec empathie et vivacité. À lire à l’heure où un industriel breton, qui lui aussi trempe la main dans le bénitier tous les dimanches, fait des siennes…

Jean-Luc Porquet

Une belle grève de femmes dans Le Monde diplomatique

jeudi 17 août 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde diplomatique, août 2023.

Hiver 1924. Pendant plus de six semaines, deux mille ouvrières des conserveries de sardines de Douarnenez vont battre le pavé en sabots, pour réclamer une augmentation de salaire et l’application des réglementations en vigueur. La journaliste Anne Crignon raconte « cette épopée sociale et victorieuse », rapportant les paroles de nombre d’entre elles, retrouvées dans les archives, la presse de l’époque et quelques ouvrages épuisés, leur donnant noms et visages. Daniel Le Flanchec, maire communiste, avait alors ouvert la salle du conseil à leurs réunions quotidiennes et le Parti envoyé ses cadres (le jeune Charles Tillon, Lucie Colliard), contribuant à la médiatisation du conflit au niveau national.
Anne Crignon souligne le caractère féministe de cette grève, reléguée entre oubli et folklore, d’où elle contribue à la sortir. Car la transmission des expériences sociales d’hier nourrit les combats d’aujourd’hui. D’ailleurs, la chanson Penn Sardin, composée par l’accordéoniste Claude Michel, appartient au répertoire des chants de lutte et est réactualisée régulièrement – on l’a entendue pendant le mouvement des « gilets jaunes ».

Ernest London

Une belle grève de femmes dans L’Humanité magazine

jeudi 17 août 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans L’Humanité magazine du 20 juillet 2023

Les Penn Sardin,
femmes courage victorieuses

Anne Crignon livre un récit captivant sur la grève des ouvrières des conserveries de sardines, à Douarnenez, en 1924.

On les appelait les Penn Sardin. Dès l’enfance, les filles de la région de Douarnenez étaient envoyées à l’usine, où elles travaillaient jour et nuit pour mettre en boîte les poissons. Le 21 novembre 1924, après une humiliation de trop, les « filles d’usine » se sont mises en grève. D’abord chez Carnaud, « un groupe puissant à l’échelle nationale avec des succursales tout le long de la côte ». Soutenu par le maire de Douarnenez, le communiste Daniel Le Flanchec, le mouvement va s’étendre aux autres usines. Dehors, les femmes défilent avec le drapeau rouge et chantent leur slogan : « Pemp real a vo » (nous voulons 25 sous de plus).

Contre toute attente, alors que l’extrême pauvreté aurait dû les contraindre à reprendre le travail, les sardinières ont tenu bon. Malgré la riposte des patrons, qui font envoyer des mercenaires armés de Paris. Tandis que la presse de droite minimise la répression, l’Humanité titre : « À Douarnenez : première flaque de sang fasciste. » Le 6 janvier 1925, les ouvrières obtiendront l’application de la loi de huit heures, une majoration du travail de nuit et le paiement des heures supplémentaires. Journaliste à L’Obs et à Siné Mensuel, Anne Crignon a enquêté pendant deux ans. S’appuyant sur le livre homonyme de Lucie Colliard, paru en 1925 à la Librairie de l’Humanité, et sur les témoignages recueillis dans les années 1990 par l’écrivaine Anne-Denes Martin, elle reconstitue la grève et son contexte : la misère, le travail des enfants, le mépris des patrons, mais aussi l’émergence de personnalités comme Joséphine Pencalet, conseillère municipale communiste et première femme élue dans l’histoire de la Bretagne. Un récit captivant, très bien écrit, qui rappelle que les luttes peuvent être victorieuses.

Sophie Joubert

Entretien avec Anne crignon sur Une belle grève de femmes dans CQFD

jeudi 17 août 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans CQFD, été 2023.

Grève des sardinières de Douarnenez,
une mémoire qui se conserve

Mythique, la grève des sardinières de Douarnenez en 1924 l’est doublement : elle a été menée par des femmes et s’est soldée par une victoire. La journaliste Anne Crignon raconte leur histoire dans son livre Une belle grève de femmes. Entretien.

Il est des luttes dont la mémoire ne flanche pas. La grève des sardinières de Douarnenez, à l’hiver 1924, est de celles-là. Articles de presse, livres, documentaires, téléfilm et même chanson, cela fera bientôt cent ans que d’une génération à l’autre se transmet l’histoire des ouvrières de ce port du Finistère qui ont mis au pas les pêcheurs, fait plier les patrons. Anne Crignon apporte aujourd’hui sa pierre à l’édifice mémoriel avec Une belle grève de femmes – Les Penn sardin. Douarnenez, 1924, paru ce printemps chez Libertalia.

D’une plume déliée et sans rien céder au folklore, elle y décrit l’extrême dureté des conditions de vie des Penn sardin (« tête de sardine », en breton) ; leur combat pour arracher quelques sous aux cols blancs qui les employaient (« Pemp real a vo ! », « Ce sera 1,25 franc ! » scandaient-elles dans les rues de la ville) ; la solidarité et les liens tissés avec des figures de la gauche de l’époque ; jusqu’à la victoire, quelque six semaines après avoir déserté les usines. On en parle avec l’autrice.

Quelle est la situation des sardinières de Douarnenez à l’époque ?
Douarnenez il y a cent ans, c’est du Zola au fond du Finistère. Deux mille sardinières triment dans les vingt conserveries de la ville, appelées communément les « fritures », qui sont des hangars lugubres, trop froids en hiver, trop chauds en été, au sol rendu boueux par le viscère de sardine – autant dire pas idéal pour le bois des sabots. Elles sont corvéables de jour comme de nuit car il n’y a pas d’heure pour l’arrivée du poisson. Dès que les hommes sont à quai, une contremaîtresse bat le rappel dans la ville, il faut courir au travail, et c’est parti pour dix ou douze heures d’affilée, parfois plus. Même les fillettes sont avalées par l’usine, pour certaines dès leurs huit ans. C’est l’abjection. Les heures de nuit sont payées comme les heures de jour, c’est-à-dire une misère. Et puis il y a cette odeur qui complexe les femmes : le velours de leur jupe en est tout imprégné alors qu’elles sont d’une grande coquetterie.

Qu’est-ce qui les pousse à débrayer à l’hiver 1924 ?
Tout commence le 21 novembre à l’usine Carnaud, dite « la méta », qui fabrique les boîtes dans lesquelles est commercialisé le poisson. Un contremaître refuse de recevoir des femmes qui demandent à le voir pour lui parler de la paye minuscule et de ces heures en trop qui les épuisent, au point que plusieurs dans leurs rangs en sont mortes. Et le gars, il fait quoi ? Il refuse. La colère monte depuis quelque temps, et la rancune est palpable envers les « riches heureux » qu’elles voient passer dans la cour de l’usine, le cheveu lissé de brillantine, sans un regard pour celles qui font leur fortune. Ce refus, c’est l’offense de trop. Et vite, l’offense se change en véritable fureur. Les femmes partent dans les rues (en chantant déjà L’Internationale) propager la contestation. Du beau travail : deux jours plus tard, toutes les usines de la ville sont en grève.

Cette grève est érigée en modèle de lutte victorieuse. Qu’est-ce qui a rendu cette victoire possible ?
D’abord, c’est la solidarité. Les femmes de toutes les usines ont suivi, ainsi que les marins pêcheurs, qui étaient souvent leurs maris. Et très vite, il s’est passé cette chose incroyable : du monde a débarqué à Douarnenez pour soutenir la grève. À l’époque, la jeune révolution russe draine les espoirs de toute une génération abattue par la guerre. Dans le sillage du congrès de Tours de décembre 1920, en 1921 est née la Confédération générale du travail unitaire qui en appelle à un socialisme révolutionnaire et envoie à Douarnenez ses militants : le jeune Charles Tillon, qui sera vingt ans plus tard le grand résistant que l’on connaît, cofondateur des FTP (Francs-tireurs et partisans) ; et Lucie Colliard, institutrice de Bogève (Haute-Savoie) révoquée pour propagande pacifiste et qui a même fait de la prison pour ça. Les sardinières sont aussi soutenues par le maire de la ville, Daniel Le Flanchec, communiste, ancien anar que le ministre de l’Intérieur Camille Chautemps fait surveiller car il est fiché comme pote de la bande à Bonnot. Bref, le gars bien incontrôlable comme il en faudrait plus et qui fait flipper le gouvernement avec la vitalité de son laboratoire du bolchevisme en terre armoricaine.
Ce qui a beaucoup aidé aussi, c’est que la Bretagne a été généreuse. Tout le monde donnait de la nourriture, un coup de main, ou les deux. Je pense à un garçon de 14 ans de Pouldavid (commune rattachée à Douarnenez en 1945), Jean Moreau, qui allait d’une ferme à l’autre sur son char à bancs collecter pour le piquet de grève des kilos et des kilos de pommes de terre. Je voudrais que les gens retiennent ce nom : Jean Moreau, de Pouldavid-sur-Mer, ami des Penn sardin à 14 ans, chef des FTP de l’Orne, fusillé par les Allemands à 34. Il y avait aussi des députés communistes comme Arthur Henriet. Il faut voir tous les chics types qui ont fait leurs dix-sept heures de train depuis Paris pour venir s’installer à Douarnenez l’hiver 1924 – comme Daniel Renoult, journaliste à L’Huma. Ils étaient tous dans le même hôtel, tenu par une femme qu’ils appelaient « la belle Angèle », ravie d’avoir chez elle les amis de la révolution.
Et puis, ce qui a aidé ces femmes à tenir, je crois, c’est leur qualité de mère : elles ne voulaient pas de cette vie pour leurs enfants.

Parmi elles, Joséphine Pencalet, souvent citée quand on évoque la grève des sardinières. Qui était-elle ?
Joséphine est ouvrière d’usine. Quelques années auparavant, elle est « montée » à Paris pour être « bonne à tout faire » chez des bourgeois comme beaucoup de Bretonnes au début du XXe siècle. Elle est revenue à Douarnenez avec ses deux enfants parce que son mari est mort, emporté par la maladie, peu après la guerre. Les gens de Douarnenez disent qu’elle était la meneuse du mouvement mais en réalité on n’en sait rien. Elle n’est pas membre du comité de grève, elle ne fait pas partie de la délégation qui rencontre à Paris le ministre du Travail qui leur dit que leurs patrons sont « des brutes et des sauvages », ni dans le comité d’accueil qui va à la gare accueillir avec des fleurs le député Marcel Cachin, directeur de L’Humanité. Mais pour les Douarnenistes, Joséphine Pencalet est l’héroïne de la “grande grève”. Alors on peut faire comme John Ford dans son film L’Homme qui tua Liberty Valence (1962) : la légende est belle, imprimons la légende.

Bien que féminine, cette grève n’était pas pour autant « consciemment féministe », comme tu l’écris…
Lucie Colliard, qui était militante féministe, a essayé de convaincre ses « bonnes camarades de Douarnenez » en ce sens. Mais elles avaient déjà tant à faire qu’elle ne fut pas suivie sur ce point. En revanche, une chose est certaine : c’est grâce à des féministes comme Maria Hélia, avec son splendide film documentaire L’Usine rouge (1989), ou Anne-Denes Martin qui a rassemblé leurs témoignages dans les années 1990, que la mémoire s’est transmise. On entend aujourd’hui que les Penn sardin étaient féministes. Faut-il se déclarer soi-même féministe ou peut-on être désignée comme telle par autrui ? Je ne sais pas.

Tu décris cette grève comme un pur exemple de politisation par la lutte. Pourquoi ?
Daniel Le Flanchec, qui voulait mettre du communisme dans le cœur de ses administrés, a beaucoup influencé les sardinières. Il était tellement aimé que les grévistes avaient inventé une chanson pour lui : C’est Flanchec, c’est notre roi ! Lucie Colliard avait beau leur dire qu’il ne fallait pas applaudir un homme mais ses idées, rien n’y faisait. Il a passé les six semaines et demie de grève parmi elles, à dénoncer le capitalisme et les « patrons buveurs de sang ». Place de la Croix, à Douarnenez, on se retrouvait pour commenter les affiches placardées par le Parti communiste, lesquelles étaient de véritables cours de science politique. Et puis il y avait une assemblée générale tous les jours aux halles après la manif. La lutte a tellement politisé les Douarnenistes que Flanchec a gardé sa mairie communiste jusqu’en 1940, et haut la main.

Propos recueillis par Tiphaine Guéret

Une belle grève de femmes dans le Télégramme

jeudi 17 août 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Télégramme, le 14 juillet 2023.

Anne Crignon publie un passionnant récit sur la grève des sardinières de Douarnenez

Journaliste à L’Obs, Anne Crignon, originaire de Concarneau, est l’autrice du livre Une belle grève de femmes, récemment paru chez Libertalia. Elle y propose un récit passionnant de la grève des sardinières qui a agité Douarnenez de novembre 1924 à janvier 1925.
Elle a découvert Douarnenez au début des années 1990 avec son ami Jean-Yves Lagadic, « à l’époque où la ville avait encore son âme communiste et où de grands manteaux de plastique battaient aux quatre vents lorsque l’on entrait dans les cafés ». Journaliste à L’Obs et à Siné Mensuel, originaire de Concarneau, Anne Crignon vient de publier Une belle grève de femmes, aux éditions Libertalia. Dans ce récit de 170 pages, elle raconte la grève des sardinières qui a agité Douarnenez du 20 novembre 1924 au 6 janvier 1925, et dont l’esprit et les chants continuent, un siècle plus tard, d’irriguer les mouvements sociaux. « J’en entends parler depuis que je suis petite. Pour moi, les sardinières sont des héroïnes depuis l’âge de 15 ans », décrit Anne Crignon, qui assume sans détour sa proximité idéologique avec la gauche anticapitaliste. « Pourtant, je me suis aperçue que je ne connaissais rien du tout de cette grève le jour où je suis tombée sur cette mythique photo des grévistes prise sur le Rosmeur, dans une brocante de Quimper à l’hiver 2021 », poursuit la journaliste.
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Dimitri L’hours