Le blog des éditions Libertalia

Sorcières et sorciers, histoire et mythes sur Ballast

lundi 6 janvier 2025 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur le site Ballast, le 26 décembre 2024.

Dans ce petit livre, Michelle Zancarini-Fournel, historienne bien connue pour ses travaux consacrés à l’histoire des femmes et du féminisme, nous offre une synthèse des représentations et des discours tenus sur les sorcières au cours des derniers siècles et jusqu’à la période contemporaine, notamment dans les courants écoféministes. L’occasion pour elle, en s’appuyant sur les connaissances historiques nombreuses dont nous disposons aujourd’hui sur la persécution des sorcières et sorciers à l’aube des temps modernes, de critiquer l’image d’Épinal qui s’est imposée ces dernières années dans un certain nombre de milieux militants, notamment à la suite des publications de la sociologue italienne Silvia Federici (Caliban et la sorcière) ou de la journaliste française Mona Chollet (Sorcières). Non, les sorcières n’étaient pas des « femmes puissantes », mais « des victimes de querelles de voisinage, de dénonciations et d’arrestations débouchant sur l’aveu, sous torture, du crime de sabbat ». Et contrairement aux chiffres fantaisistes de neuf millions de femmes tuées avancés par Federici, qui affirme que « la chasse aux sorcières a été le cas de persécution de masse le plus important de l’histoire » jusqu’au XXe siècle, la fourchette actuellement retenue par les historiens se situe plutôt entre 40 000 et 70 000 victimes, « chiffre considérable et abominable », mais « qu’il est inutile de centupler », nous dit Zancarini-Fournel. On a pu penser pendant longtemps que les réécritures idéologiques de l’Histoire étaient l’apanage de l’extrême droite. Cet ouvrage nous permet de comprendre qu’elles sont également monnaie courante à gauche. Si l’extrême droite tend généralement à mythifier le passé de son groupe d’appartenance revendiqué, certaines franges de la gauche vont plutôt avoir tendance à mythifier le passé lointain d’autres sociétés, ou encore celui de fractions rebelles ou subalternes (réelles ou supposées) de leur propre société. À cet égard, saluons l’initiative et la mise au point de Michelle Zancarini-Fournel, qui nous rappelle qu’une politique de l’émancipation devrait également toujours s’accompagner d’une éthique de la lucidité et du respect des faits et données archéologiques, historiques ou anthropologiques.

P.M.

Rami Abou Jamous invité de David Dufresne

mardi 10 décembre 2024 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Rami Abou Jamous, auteur du Journal de bord de Gaza, était l’invité de David Dufresne dans son émission Au poste, le lundi 9 décembre 2024.

« Longtemps, il fut fixeur pour journalistes occidentaux. Et puis la guerre, les circonstances : Rami Abou Jamous a dû prendre la plume. Pour Orient XXI, il tient un journal de bord bouleversant, que les belles éditions Libertalia publient ces jours ci en recueil. Visio, audio ? On ignore comment on pourra réaliser ce duplex ce matin, si le soleil pourra chauffer les panneaux solaires, et le net arriver. Qu’importe. Rami sera là, depuis l’enfer. Un échange exceptionnel, n’en doutons pas. »

De la diatribe... dans Le Canard enchaîné

mardi 10 décembre 2024 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Canard enchaîné du 4 décembre 2024.

Poser la question : « Qu’est-ce qu’un pamphlet ? » revient en quelques sortes à demander : « Qu’est-ce qu’un chien ? » On reconnaît bien là Orwell. Dans sa lumineuse préface (inédite en français) à ce recueil, il constatait qu’on confond souvent le pamphlet avec « le manifeste, la chronique, le libelle religieux, la lettre circulaire », comme on met dans le même sac chien, loup et chacal. Et de donner sa définition : « Le pamphlet est un court texte polémique, imprimé sous forme d’opuscule et visant un large public. » Et de l’affirmer : tremper dans sa plume dans le vitriol pour informer, moquer, dénoncer, défendre ses idées, c’est un art !
Le recueil composé par Reginald Reynolds et paru à Londres en 1950, rassemblait des écrits de combat anglais publiés avant 1789. L’éditeur Philippe Mortimer y a ajouté des textes publiés jusqu’à la veille de la « grande boucherie impérialiste » (1914), qu’il a généreusement traduits, annotés, présentés. Si l’on retrouve avec plaisir des pamphlets connus, comme la fameuse Modeste proposition de Swift ou la Ballade d’Oscar Wilde, on multiplie les découvertes : auteurs hauts en couleur comme Abiezer Coppe ou John Thelwall, morceaux luddites, chants de révolte signés Shelley, etc.
Une leçon de style et de colère d’une « implacable actualité ».

[JLP]

Charles Piaget. Des Lip aux « milliers de collectifs » dans Le Monde diplomatique

mardi 3 décembre 2024 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde diplomatique, décembre 2024.

Les livres sur l’« affaire Lip » ne manquent pas. Ces dernières années, dans le sillage du beau documentaire de Christian Rouaud (Les Lip, l’imagination au pouvoir, Les Films d’ici, 2007), plusieurs ouvrages importants sont venus éclairer ce conflit emblématique des années 1970, et plus largement l’histoire de l’entreprise. En s’attachant à la personnalité de Charles Piaget (1928-2023), cette biographie adopte un angle quelque peu différent. Tout en accordant – et pour cause – une place de choix à la lutte de 1973, elle parcourt l’ensemble des combats du militant Piaget : sa candidature avortée à la présidentielle de 1974, son engagement pour l’autogestion, son action à la gauche du Parti socialiste unifié (PSU), sa participation active au mouvement des chômeurs… En traversant ces différents moments politiques, le récit ne fait pas seulement apparaître la cohérence et la dignité d’une vie militante. Il montre aussi comment Piaget, primus inter pares, affronta les contradictions et les périls du porte-parolat. Leader exposé et écouté, il eut à cœur de rester « humble parmi les humbles », ouvrier parmi les ouvriers, membre parmi d’autres d’un collectif auquel il devait des comptes.

Antony Burlaud

Journal de bord de Gaza dans Le Courrier de l’Atlas

lundi 2 décembre 2024 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Courrier de l’Atlas, le 29 novembre 2024.

Journal de bord de Gaza : l’histoire de Rami Abou Jamous, un journaliste en plein chaos

Au cœur des ruines de Gaza, où la vie elle-même semble suspendue à un fil, les mots de Rami Abou Jamous s’élèvent comme un cri, une protestation, mais aussi une tentative désespérée de préserver son humanité. Journal de bord de Gaza, publié aux éditions Libertalia, sort ce 29 novembre.

Ce livre est bien plus qu’un simple récit journalistique : c’est une immersion bouleversante dans le quotidien d’un homme qui raconte l’indicible pour que personne n’oublie. Avec une plume à la fois précise et profondément humaine, Rami livre le témoignage d’une survie, entre chaos et dignité, et rappelle à chacun l’importance de dire, d’écrire, et surtout de ne jamais détourner le regard.
Quand on lit Journal de bord de Gaza, on a l’impression d’écouter un proche nous raconter une histoire impossible, une vie de survie. Rami Abou Jamous, 46 ans, journaliste palestinien, écrit depuis Gaza comme on respire, comme pour rester debout alors que tout s’écroule autour de lui.
Rami Abou Jamous est né à Beyrouth, mais son histoire commence vraiment en 1994, quand il débarque à Gaza avec son père. C’était l’époque où on croyait encore à la paix, après les accords d’Oslo. Tout semblait possible : Gaza avait un aéroport, des échanges avec la Cisjordanie, même des rêves d’État palestinien.
Rami, jeune et plein d’espoir, part en France grâce à une bourse pour devenir ingénieur. Mais la vie en décide autrement. En 1999, son père meurt, et il rentre à Gaza pour s’occuper de sa famille.
La suite, c’est une désillusion constante. Le Premier ministre israélien Rabin est assassiné par un extrémiste juif, Netanyahou au pouvoir qui torpille les accords de paix, le Hamas qui prend Gaza par la force en 2007.
Rami, comme beaucoup, doit se réinventer. C’est là qu’il devient journaliste, presque par hasard. Au départ, il aide les reporters étrangers à comprendre les méandres de Gaza, mais très vite, il se fait une place à part entière. Il connaît tout le monde, il sait tout ce qui se passe.
Et puis, arrivent les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2024. Ce jour-là, Israël interdit l’entrée de Gaza à tous les journalistes étrangers. Rami devient alors l’un des seuls à pouvoir raconter ce qui se passe.
À travers ses chroniques publiées sur le site Orient XXI, il raconte tout : les bombardements, les pénuries, l’humiliation au quotidien. Il parle aussi de sa vie, de sa famille forcée de fuir encore et encore sous les bombes, jusqu’à vivre dans une tente qu’il appelle, pour rassurer ses enfants, « notre villa ».
Rami ne fait pas qu’informer. Il écrit. Avec des mots simples, justes, il nous plonge dans ce qu’il vit : la peur, la faim, l’impression que tout s’effondre. Il parle des drones qui rôdent comme des oiseaux de proie, de la stratégie d’Israël pour rendre Gaza invivable, du chaos qui dévore tout.
Ce qui rend ce livre unique, c’est que Rami écrit comme il vit : sans détour. Il raconte les détails les plus crus, comme le pantalon unique qu’il porte jusqu’à ce qu’il tombe en lambeaux. Il nous fait entrer dans son intimité, dans ses conversations avec sa femme Sabah, dans ses moments d’humiliation quand il ne peut même pas acheter du poulet pour ses enfants.
Et pourtant, il garde cette dignité incroyable. Même dans le pire, il trouve les mots pour rester debout. Il explique que son père lui a appris que la dignité, c’est tout ce qu’on a quand il ne reste rien. Alors, il continue d’écrire, coûte que coûte, même si cela signifie exposer sa vie privée dans une société où ça ne se fait pas.
Lire Journal de bord de Gaza, c’est comme recevoir une claque. On entend souvent parler de Gaza à la télé, mais là, c’est différent. Là, on le vit. On comprend que ce n’est pas juste une guerre, mais une vie entière broyée. Rami décrit tout, avec des mots qui restent. Il compare Gaza à un mixeur géant : « On est tous dedans, et ça tourne, ça broie. Parfois, quelqu’un est éjecté parce qu’il est mort, mais nous, on reste là, coincé. »
Et pourtant, ce livre est aussi plein d’humanité. On sent l’amour de Rami pour sa famille, pour ses enfants, qu’il tente de protéger avec des mots, des illusions. Quand il leur dit que leur tente, c’est une villa, qu’ils vont faire un barbecue avec du bois, on a envie de pleurer. Parce qu’on sait qu’il essaie juste de leur donner un peu d’espoir, même si ce n’est qu’un mensonge.
Le 12 octobre 2024, Rami reçoit trois prix au festival de Bayeux, dont celui de la presse écrite pour ce journal. Une reconnaissance méritée pour un homme qui, malgré tout, a trouvé le courage de raconter l’indicible. En lisant ce livre, on comprend que Rami, c’est plus qu’un journaliste. C’est un témoin, une voix qui refuse de se taire.
Ce livre, c’est une fenêtre sur une réalité qu’on préfère souvent ignorer. Mais c’est aussi une preuve que, même au milieu du pire, il reste des gens comme Rami pour porter des mots, pour dire que, malgré tout, la vie continue.

Nadir Dendoune