Le blog des éditions Libertalia

Hommage de Michelle Zancarini-Fournel à son ami Jean-Pierre Sainton

vendredi 25 août 2023 :: Permalien

Jean-Pierre Sainton est mort brusquement dans la nuit du 21 au 22 août, chez lui, en Guadeloupe. Il était président de l’Association des historiens des Caraïbes et membre de la Fondation pour l’histoire de l’esclavage.
Le silence de la présidence de son université des Antilles, où il était professeur, est assourdissant. Car ses engagements politiques de très longue date (sa première manifestation pour le Gong date du 1er mai 1967 !), ne plaisaient guère.
Son père, le médecin Pierre Sainton, dirigeant du Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe (Gong) fondé en 1963, a été accusé – à tort – d’avoir incité à la révolte du printemps 1967 en Guadeloupe, traduit devant la Cour de sûreté de l’État, et acquitté en 1968. Le destin de Jean-Pierre Sainton a basculé avec cet événement à la fois national et personnel. Il a été un militant engagé consacrant jusqu’en 1986 sa vie au militantisme indépendantiste.
Après avoir publié avec Raymond Gama en 1985 son premier livre « qu’il considérait comme militant » Mé 67. Histoire d’un événement, il s’est éloigné d’un mouvement qui s’est délité en 1986, passant d’attentats considérés comme « terroristes » au soutien électoral d’un pouvoir socialiste qui ne le poursuivait plus. Il avait le projet de faire une histoire distanciée de ce mouvement indépendantiste.
Il est resté militant, participant activement à des manifestations en Guadeloupe mais « à la base » comme il aimait le dire en riant. Il a été aussi un professeur investi dans la pédagogie, dans la formation des étudiants et des enseignants et dans la gestion de son université : il a fondé le centre de Saint-Claude près de Basse-Terre et mis en place les formations en masters. Il a été au sens plein un enseignant-chercheur.
Il s’est lancé après 1986 dans la recherche avec une production d’historien originale, rigoureuse et brillante, peu reconnue en France. Sa contribution récente, dans un livre publié par Libertalia, était, m’avait-il confié récemment « la meilleure synthèse qu’il avait écrite sur les événements de 1967 ».
Sa mort brutale est une immense perte pour la Guadeloupe et pour ses ami·es et compagnon·nes de route.

MZF, 25 août 2023