Éditions Libertalia
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lundi 22 septembre 2025 :: Permalien
Recension de l’édition anglaise de Nous refusons, We Refuse, aux éditions Merlin Press, publiée dans The Morning Star, le 7 septembre 2025.
We Refuse : Saying No to the Army in Israel
Martin Barzilai, Green Print, £9.99
“It takes great courage, resolute determination and a deep level of critical thinking to reject an idea to which you were exposed since childhood, one continually reinforced by your family, friends, education system and government. This is especially so if opposition to the ideology may result in ostracism or imprisonment.
Photographer and journalist Martin Barzilai interviewed a diverse range of Israeli men and women who defied societal expectations by refusing to serve in the Israeli Defence Forces (IDF). Many subsequently faced sanctions, including prison or being deemed traitors, for refusing to follow the expectations of a highly militarised society.
Each refusenik has a unique story to tell ; they come from a variety of backgrounds. Some interviews were conducted years ago, others more recently. Most include a follow up interview after the October 7 attack to ascertain its impact upon their views and decision to refuse military service.
Some of those interviewed refused to adhere to a military summons from the outset. This group is typically comprised of young adults who had encountered and formed friendships with Palestinians during their formative years ; some also grew up in progressive Israeli households. Such factors appear to have given them a degree of immunity to Israeli state propaganda that deems military service sine qua non for all eligible citizens.
Other interviewees are former soldiers, including ones who served in elite regiments such the Sayeret Matkal, who joined the IDF willingly and initially believed they were defending Israel from its enemies. Their experiences serving within the occupied territories gradually changed their views towards Palestinians, the role of the IDF and the Israeli state.
Surprisingly, even within a highly militarised society, reportedly less than 60 per cent of Israelis actually complete military service. Palestinian citizens of Israel and most Haredim are excluded from conscription ; others are exempted due to physical or psychiatric illness.
While Israelis deemed fit for military service may initially refuse enlistment by declaring themselves pacifists, they are then required to appear before a commission of mostly military figures that adopts an adversarial approach, especially against those believed to be refusing service for political reasons. If the commission does not consider the candidate a pacifist, they risk imprisonment for continued refusal. Whereas female conscientious objectors might be offered the chance to do “civilian service” instead of joining the IDF, this option is not open to males.
Some of those interviewed have served prison sentences (typically weeks or months), and sometimes repeatedly, for refusing to serve in the Israeli military. A few have since left Israel, while others consider it their duty to remain in the country and oppose the occupation from within.
Refuseniks are a diverse bunch ; some refuse to serve in the IDF in any capacity (as they consider this tantamount to assisting the occupation of Palestine), others declare they will only serve within Israel’s borders and refuse deployment within what is considered Palestinian territory.
We also learn that since the October 7 attack, it has become much harder to be a refusenik. Those choosing this path now risk longer prison sentences or greater censure, concurrent with a large proportion of Israeli society throwing their support behind a government that includes openly far right ministers.
The brave Israelis who refuse to serve in the IDF deserve the international community’s support, especially considering the hostile climate in which they now find themselves. Certain countries in Europe, such as Germany and Britain, have seen pro-Palestinian activists smeared, censured or arrested. Yet the pressure European activists face seems trivial compared to the risks taken by a (thus far) minority of brave Israelis who refuse to march alongside the majority and choose instead to stand up to the occupation. Their stories need to be told.”
mardi 9 septembre 2025 :: Permalien
Élodie Serna, qui a publié Opération Vasectomie en 2021, était l’invitée de la journaliste Naomi Titti pour l’épisode « Vasectomie : nos couilles, nos choix » du podcast Les Couilles sur la table
À écouter sur www.binge.audio.
vendredi 25 juillet 2025 :: Permalien
Publié dans CQFD, juin 2025.
Dans Brève histoire des socialismes en France, l’historien Julien Chuzeville revient sur les mutations du mouvement socialiste. À la fois réformiste et révolutionnaire, il parvient à s’unifier autour de la SFIO en 1905 avant que le parti trahisse ses principes et s’engouffre dans la guerre…
Au commencement : le socialisme. Un projet révolutionnaire, dont l’objectif est le renversement du capitalisme et son remplacement par une société sans classes, oppressions, ni exploitations. Né dans l’Europe capitaliste du XXe siècle, ce mouvement internationaliste « sans patrie ni frontières » se structure en France autour de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière). Parti de masse, elle cherche à amorcer des réformes sociales tout en conservant son objectif révolutionnaire et internationaliste. Mais quand la Première Guerre mondiale éclate, la SFIO se range du côté des belliqueux, au mépris des principes du mouvement... Une leçon historique très actuelle, que nous rappelle Julien Chuzeville dans Brève histoire des socialismes en France (Libertalia, 2025).
Réforme ou révolution ?
Dans les années 1880-1890, lorsque les premiers partis ouvriers se constituent, ils appellent indifféremment « socialisme » ou « communisme » le projet d’abolition de l’État et du capitalisme qu’ils souhaitent voir advenir. Ils se divisent cependant sur la marche à suivre : la prise du pouvoir d’État par le prolétariat, comme le défendent Jules Guesde et le Parti ouvrier (PO) ? Le socialisme réforme par réforme (Fédération des travailleurs socialistes de France) ou la grève générale portée par les syndicats (Parti ouvrier socialiste révolutionnaire) ? Dans les débats, réformes et révolution ne s’opposent pas toujours. Les plus révolutionnaires reconnaissent l’intérêt de réformes sociales – notamment la baisse du temps de travail quotidien – et les plus réformistes ne s’opposent pas « en principe » à la révolution. Certains partis socialistes parviennent à faire élire des militants – parfois ouvriers – dans des mairies et à l’Assemblée. Leur stratégie, c’est d’abord de « faire connaître les idées socialistes ». Mais progressivement, le moyen devient une fin en soi : il s’agit de « faire campagne essentiellement afin d’avoir le plus d’élus possible ». Les candidats atténuent leur propos, parlent moins d’internationalisme, et plus de patriotisme et les résultats électoraux s’améliorent. Entre 1899 et 1903, l’entrée au gouvernement Waldeck-Rousseau du socialiste indépendant Alexandre Millerand divise les socialistes. Certains espèrent des réformes sociales. D’autres se méfient de l’enrôlement d’un socialiste dans un gouvernement bourgeois. Le bilan de Millerand leur donnera raison. Le ministre socialiste n’arrive à aucune avancée sociale et participe à un gouvernement qui réprime dans le sang des grévistes à Chalon-Sur-Saône et en Martinique.
La SFIO, une élite socialiste
Après l’échec de Millerand, les différents partis socialistes décident de former ensemble la SFIO en 1905, et reviennent aux principes du socialisme. Ils déclarent dans leur texte fondateur : « Tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées [le parti] n’est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte des classes et de révolution ». Le parti n’abandonne pas la participation aux élections, municipales et parlementaires, et dirige alors de nombreuses mairies, où il met en place des politiques sociales. À l’Assemblée, les députés, emmenés par Jean Jaurès, constituent un groupe d’opposition qui refuse toute alliance ou participation à un gouvernement bourgeois. Minoritaires, leurs projets de réformes – salaire minimum, assurance sociale ou abolition de la peine de mort – n’aboutissent pas. Mais les socialistes jouissent d’une tribune où ils clament des discours socialistes, et perturbe l’Assemblée en y chantant l’Internationale. Et le parti ne se limite pas à son groupe « politique ». Il est composé de dizaines de milliers d’adhérents. Ses militants – artisans, ouvriers, enseignants, employés – montent des sections locales où ils débattent, échangent et organisent le parti. Ils créent également des journaux dans lesquels ils se font le relais des luttes locales et expriment leurs opinions. Malgré tout, une petite élite politicienne se dégage : « Le groupe parlementaire n’est pas choisi par les militants [...] et ses délibérations ne font l’objet que de comptes-rendus brefs. » Progressivement, certains membres, comme le député Albert Thomas, révisent les positions anticapitalistes du parti et soutiennent la mise en place d’un capitalisme d’État par la gestion d’une élite d’« experts » socialistes. C’est l’action des masses qu’on cherche alors à mettre de côté : « L’émancipation de la classe travailleuse ne doit plus être l’œuvre de la classe travailleuse elle-même, mais l’œuvre de spécialistes », résume Julien Chuzeville.
En 1912, face à la crainte d’un embrasement mondial, les socialistes européens réunis à Bâle proclament l’unité du prolétariat européen et préconisent la grève générale mondiale pour empêcher la guerre. Mais quelques mois avant le conflit, rien ne semble pouvoir empêcher les États de s’affronter. Pas même Jean Jaurès, partisan de la paix, assassiné par un nationaliste en 1914. Emmené par les guesdistes, pourtant révolutionnaires, le parti cède alors aux injonctions guerrières, et vote les crédits de guerre.
Les socialistes entrent dans le gouvernement d’« Union sacrée » du président Raymond Poincaré, qui suspend illico la liberté d’expression et d’opinion. À l’intérieur du parti, ils refusent la participation d’étrangers et coupent toute relation avec le SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne). Les deux partis ont pleinement intégré le nationalisme. « Ils se vivent désormais avant tout comme des Allemands et des Français, ennemis dans la guerre avant d’être des socialistes. » Mais à l’intérieur de la SFIO, certains résistent. Les Zimmerwaldiens – qui fonde leur tendance en 1915 à Zimmerwald (Suisse) – s’opposent à cette trahison et signent un manifeste internationaliste et antiguerre qui circule clandestinement. En 1917, la SFIO quitte finalement le gouvernement après n’avoir obtenu aucune avancée sociale pour la classe ouvrière et avoir participé à une économie de guerre mortifère, dont le patronat a largement profité. Au XXe siècle, la SFIO, qui deviendra en 1969 le Parti socialiste (PS), continue la lente révision de ses principes. Concentré sur la conquête du pouvoir, le parti est bureaucratique et coupé de sa base ouvrière. Celle-ci s’incarne alors davantage dans les syndicats, certains partis trotskystes ou mouvements libertaires. Aujourd’hui, alors que la guerre rôde en Europe, aucun parti de « gauche » au Parlement ne se fonde sur l’internationalisme pour s’opposer à la guerre. Jean-Luc Mélenchon, qui se réclame souvent du socialisme historique de Jaurès, souhaite assurer « une industrie de défense souveraine et performante » et s’inquiète du déclin de la France sur les cinq continents. Socialistes, vous avez dit ?
Étienne Jallot
jeudi 3 juillet 2025 :: Permalien
Publié dans Ballast, le 30 juin 2025.
Le plateau du Larzac est un symbole des luttes paysannes. Dans les années 1970, le projet d’extension d’un camp militaire mobilise les paysan·nes qui refusent de se voir expropriés. 103 d’entre elles et eux prêtent le serment de ne pas quitter leur terre. Dix années de lutte non-violente déboucheront sur une victoire : iels obtiennent la gestion collective des 6 300 hectares de terres agricoles sauvées des bidasses. La Société civile des terres du Larzac (SCTL) est créée en novembre 1984. Six mois plus tard, elle signe avec l’État un bail emphytéotique prenant fin en 2013 mais qui sera renouvelé jusqu’en 2083. La SCTL regroupe une centaine de sociétaires, qui se réunissent en AG une ou deux fois par an. Le principe directeur qui les guide est celui de la propriété d’usage : l’attribution d’un logement et de terres se fait sur présentation d’un projet qui doit être validé par les sociétaires. Une fois à la retraite, il faut s’en aller. L’apport financier mis en entrant est reversé, avec une compensation pour les éventuels travaux effectués, pactole qui permet de s’installer ailleurs. Le système permet à de démarrer une activité pour des paysans qui ne disposent pas d’un héritage foncier ou d’un capital économique leur permettant d’acheter des terres. Comédien, Philippe Durand est allé à la rencontre des habitant·es et a recueilli leurs paroles, transmises sans commentaires dans l’ouvrage. Les points de vue sont variés, du conseil de gérance à celui d’ancien·nes ou de personnes arrivées plus récemment. L’ensemble permet de se faire une idée de cette alternative non capitaliste de gestion du foncier agricole, loin du modèle de l’agro-business défendu par la FNSEA. La Confédération paysanne est d’ailleurs très présente dès les débuts de la SCTL et dans les propos des interviewé·es — mais « c’est pas que ça », comme le précise l’un d’eux, qui rappelle la diversité des profils au sein du projet et les tensions qui peuvent demeurer entre « gens du coin » et « nouveaux et nouvelles arrivant·es ».
L.
jeudi 3 juillet 2025 :: Permalien
Publié dans Fracas, été 2025.
Parce que dévier, ce sont « des gestes avant d’être des paroles », l’ethnologue Guillaume Sabin restitue une enquête de terrain auprès de ceux qui ont bifurqué. Raccordant l’expérience de ces derniers à plusieurs pensées (William Morris, Victor Papanek…), cet essai articule l’« économie de l’émancipation » du philosophe Jacques Rancière à une « écologie des relations », pour offrir un horizon libérateur à une lancinante question : « Comment être dedans et faire autrement » ?
YB