Le blog des éditions Libertalia

Rino Della Negra dans Regard social

vendredi 8 juillet 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Regard social, avril 2022.

« Une biographie de Rino Della Negra »

Vient de sortir un livre de poche écrit par Dimitri Manessis et Jean Vigreux, tous deux historiens spécialistes du PCF. Ici c’est, pour eux, une relative parenthèse puisqu’il s’agit de l’histoire d’un sportif footballeur célèbre des années 1930 puis résistant antifasciste qui fut fusillé par les nazis. Rino Della Negra fit partie des immigrés italiens de la Main d’œuvre Immigrée (MOI) surtout connu par leur chef Missak Manouchian que le poète Aragon et le chanteur Léo Ferré ont honoré dans la chanson « L’Affiche rouge », et qui fait référence à l’affiche raciste placardée en France en 1943. Le livre des deux auteurs est une biographie complète de ce jeune footeux appelé à la gloire sportive avec son entrée dans l’équipe du Red Star de Saint Ouen. Ils ont eu accès aux papiers et photos de la famille et retracent de manière claire la courte vie de ce jeune homme prometteur, honoré à Argenteuil où il vivait et à Saint-Ouen, au stade Bauer où une tribune de spectateurs lui est dédiée. Livre d’histoire qui passionnera à la fois les sportifs et les antiracistes.
Livre utile aussi avec des références à une biographie, filmographie et sitographie complète, cet ouvrage comble un manque, il n’existait pas jusqu’à ce jour de biographies de Rino Della Negra. Seul regret, dans la partie consacrée au kop du stade Bauer, il aurait été utile de rappeler une autre victime plus récente du fascisme, c’est le jeune Clément Méric assassiné en 2013 par une bande de fachos en plein Paris. Clément militant à Solidaires, faisait aussi partie de « l’Action antifasciste Paris Banlieue » et était un habitué du stade Bauer de Saint-Ouen.
Nous avons lu avec plaisir ce petit ouvrage qui redonne du sens à l’engagement, à la défense de l’héroïsme de ces immigrés qui se sont battus et tombés en solidarité avec les travailleurs français. Dans une période où l’extrême droite la plus abjecte encombre les écrans de télévision et les médias, sa lecture nous encourage et nous fait un peu d’air.

Kate Millett dans Le Monde des livres

jeudi 9 juin 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde des livres du 10 juin 2022.

Les combats
de Kate Millett

Visant avant tout au partage de l’expérience sensible, Marie-Hélène Dumas prend quelques libertés avec le genre biographique pour restituer le savoir qu’elle a accumulé sur l’artiste, romancière et essayiste Kate Millett (1934-2017). C’est aussi qu’elle poursuit ici, au-delà du destin individuel qu’elle retrace, une enquête sur le rôle des femmes dans l’histoire des arts et de la pensée au XXe siècle.
Kate Millett reste une figure majeure de la deuxième vague du féminisme américain, aux côtés de Betty Friedan ou d’Angela Davis. Dans son tout premier essai, Sexual Politics, publié en 1970 (La Politique du mâle, Stock, 1971 ; rééd. Des femmes-Antoinette Fouque, 2007), elle analysait l’idéologie patriarcale dans la littérature. En France, ce sont surtout ses romans En vol (1974) et Sita (1977), inspirés de passions homosexuelles, qui l’ont rendue célèbre. Kate Millett aura été de bien d’autres luttes encore, et plus que tout contre l’enfermement sous toutes ses formes – ce n’est pas la moindre qualité de cette biographie que de donner le désir de voir enfin traduit en français The Loony-Bin Trip (Simon & Schuster, 1990, « chez les dingues »), dans lequel Millett traite de l’univers psychiatrique, elle qui fut deux fois hospitalisée sous contrainte.
Toujours, l’émotion aura guidé ses engagements, non l’inverse ; c’est à les poursuivre que sa biographe restitue les combats de Kate Millett, en épargnant au lecteur tout sentiment nostalgique : en ces années 1970 qui pourraient passer pour un âge d’or, le refus des assignations n’était pas moins éprouvant, déchirant qu’il ne peut l’être aujourd’hui.

Bertrand Leclair

#MeTooThéâtre sur sceneweb.fr

vendredi 3 juin 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Sceneweb.fr le 3 juin 2022.

#ME TOO THEATRE :
le livre

Le mouvement #ME TOO THEATRE sort aux éditions Libertalia un recueil de textes bouleversants et nécessaires qui viennent déciller les regards, ouvrir les consciences et par-dessus tout acter dans le secteur théâtral la révolution féministe à l’œuvre dans la société. Plus qu’un livre, un manifeste.

Il ne paie pas de mine comme ça, 150 pages (hors annexes), un format qui tient dans la poche, une couverture blanche sans visuel sur laquelle en rouge et bleu les lettres majuscules alignées forment le titre : “#ME TOO THEATRE”. On y est. Oui, il n’a l’air de rien ce petit livre sans prétention mais il frappe fort, il envoie du lourd, il brûle les doigts parfois, mais surtout il acte la mobilisation féministe à l’œuvre dans le milieu théâtral depuis la création du hashtag sur les réseaux sociaux et le rassemblement en une voix commune de femmes solidaires officiant dans divers métiers du théâtre.
L’affaire Weinstein a ouvert la voie à une mobilisation mondiale qui se répand comme une traînée de poudre et vient libérer la parole dans tous les secteurs et toutes les zones de bâillonnement, révéler ce qui avait toujours été tu ou gardé secret. MeToo est une bannière, un espace ouvert de rassemblement et le milieu théâtral n’est pas exempt, loin de là, de pratiques nauséabondes et comportements abusifs à l’encontre des femmes.
Édité à point nommé chez Libertalia, cet ouvrage collectif respire l’envie d’en découdre avec l’impunité du harcèlement et de toutes les formes qu’il prend. Il est le reflet de la diversité des voix et des points de vue autant que de la convergence du mouvement, tout entier tendu vers la déconstruction d’un système inégalitaire qui opprime, agresse, profite de la jeunesse, de la fragilité et de la précarité pour asseoir chantage, injonctions, mainmise.
Vingt-sept textes écrits d’une plume ardente par des comédiennes, metteuses en scène, autrices qui toutes s’emparent du sujet avec l’impérieuse nécessité de visibiliser ce qui se joue en coulisses, hors cadre, témoigner de l’envers du décor pour le faire trembler sur ses bases. Si la colère nourrit l’écriture, il serait réducteur de dire qu’elle en est l’unique moteur. Il y a là une volonté aiguisée de soulever le tapis, regarder et comprendre ce qui se trame à l’écart des regards pour tenter d’y remédier, trouver des solutions pour changer un système en place qui laisse courir ses prédateurs et perpétue des processus de domination inadmissibles. Se protéger soi et protéger les autres. Créer une zone franche de sécurité pour que la parole enfin puisse s’exprimer librement.
Après avoir posé le cadre de leur démarche et le contexte dans un avant-propos explicite signé à quatre mains par les coordinatrices du projet, Séphora Haymann et Louise Brzezowska-Dudek ouvrent le champ aux textes de leurs consœurs de lutte. Des textes de femmes essentiellement mus par les plumes vives, intelligentes, généreuses, averties de Thissa D’Avila Bensalah, Estelle Meyer, Aurore Evain, Roxane Kasperski, Julie Ménard, Charlotte Lagrange, Marie Coquille-Chambel, Anne Monfort… constellées de citations d’anonymes recueillies par le collectif. Parmi elles se glissent deux très beaux textes de Nicolas Raccah et Gérard Watkins qui s’associent en tant qu’hommes à cette prise de conscience collective, nous rappelant par leur présence même au sein du livre que Me Too n’est pas un mouvement de femmes mais un mouvement féministe et qu’il n’y a pas de sexe requis pour l’être.
Vibrants, décapants, intransigeants avec l’injustice, portés par l’intensité insufflée par l’historicité de l’enjeu et un ras le bol partagé, un « c’est assez » qui fourmille dans chaque écriture, les textes publiés crient leur vérité, leur lot d’expériences traumatisantes, et de ces souffrances enfouies créent un étendard de lumière. Il nous coûte parfois de les lire tant la parole de chacune réveille dégoût et incompréhension, et l’on se dit qu’il a dû aussi leur en coûter de les écrire, ces maux mis en mots, ces témoignages frappants, ses anecdotes qui n’en sont pas, ces récits sortis des tripes. René Char écrivait « la lucidité est la blessure la plus proche du soleil » et la citation s’impose à nous à la lecture de cet ouvrage qui draine autant de souffrances que de joie combative. Car ce qu’il en reste, lorsqu’on le referme, c’est la formidable matrice créatrice qu’il révèle, une force insubmersible car collective, l’envie ferme d’agir pour inverser la vapeur et cesser de subir sans mot dire.
Désormais #Me too est dans la place, le théâtre devra faire avec que cela plaise ou non.
Longue vie à ce mouvement salutaire qui marque un tournant historique et chapeau bas à toutes celles et ceux qui ont posé leur nom et leur témoignage dans cet ouvrage qui respire le courage.

Marie Plantin

#MeTooThéâtre aux Molières (France Inter)

vendredi 3 juin 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur le site de France Inter, le 31 mai 2022.

« Vous ne savez toujours pas ce qui se passe dans vos théâtres » 
#MeTooThéatre s’invite aux Molières.

Lors de cette 33e cérémonie, plusieurs femmes ont pris la parole pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles persistantes dans le milieu. La présidente de cérémonie, Isabelle Carré, a porté la voix des militantes du collectif #MeTooThéâtre, restées à l’extérieur.
Si l’organisation voulait en faire « une fête », la 33e cérémonie des Molières a également été rattrapée par la vague #MeTooThéâtre. Les membres du collectif du même nom, qui n’ont finalement pas prononcé de discours sur scène, ont manifesté à l’extérieur pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans le milieu. À l’intérieur, la présidente de cérémonie Isabelle Carré a parlé de leur combat.
Le ton est donné dès le discours d’ouverture. « Nous pensions que le mouvement #MeToo viendrait prendre la parole et il ne vient pas. Alors, moi, qui crois aux livres et qui crois au pouvoir des mots, je voulais simplement vous montrer ce livre, #MeTooThéâtre, qui va bientôt sortir et qui, je crois, est un outil important pour faire avancer les choses. Et ainsi, de cette manière, en parlant d’elles, ces femmes courageuses sont un peu parmi nous ce soir », a déclaré l’actrice Isabelle Carré, ajoutant « moi, présidente des Molières, je laisserai chacun prendre la parole comme il l’entend ».
Des appels ont été lancés pour faire bouger les lignes. « Vous ne savez toujours pas ce qui se passe à l’intérieur de vos théâtres », a affirmé l’actrice Nathalie Mann, représentant « Actrices et acteurs de France associés » sur scène. Elle a appelé à « nommer un référent ou une référente » pour les violences sexuelles et sexistes dans les institutions théâtrales, comme c’est le cas sur les tournages de cinéma.
Pauline Bureau, qui a remporté le Molière de l’autrice francophone vivante pour sa pièce sur une équipe de football féminin, a rappelé que « 18 % de l’argent public va à des compagnies dirigées par des femmes » et appelé la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, présente dans la salle, à en faire son cheval de bataille.
À l’extérieur, la militante féministe Alice Coffin et l’actrice Adèle Haenel ont participé au rassemblement à l’appel du collectif #MeTooThéâtre, scandant notamment «  pas d’honneur pour les violeurs ».

Juliette Geay

Ma guerre d’Espagne à moi sur Ballast

vendredi 3 juin 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Ballast, juin 2022.

Au début du XXe siècle, Mika Etchebéhère et son compagnon Hippolyte auraient pu choisir les vastes terres de la Patagonie. Mais ils sont partis. Ils auraient pu aussi rester en France, où la propagande anarchiste des années 1930 appelle leur énergie. Mais des grèves allemandes les conduisent ailleurs. La déception devant l’échec de ces dernières aurait pu les faire tout abandonner. Mais c’est à la révolution que les deux amis ont dévoué leur vie et c’est en Espagne que celle-ci se déroule. Entre 1936 et 1939, Mika Etchebéhère participe à la guerre civile au sein d’une colonne du POUM antistalinien dont elle finira par prendre la tête. Durant les premiers jours de combat contre les régiments fascistes, Hippolyte est tué. Si Mika Etchebéhère perd alors un compagnon de vie, un camarade de lutte, en toutes choses un ami, son désir de continuer la révolution n’est pas atteint. Cette guerre, la militante s’est décidée à l’écrire des années après. Mika Etchebéhère raconte, témoigne, commente les événements auxquels elle a pris part. Elle dit les premiers jours où « tout Madrid se précipite dans la rue à la recherche d’un fusil », où le bleu de travail fait office d’uniforme et où, aux points de passage, « la carte du syndicat ou d’un parti de gauche tient lieu de carte d’identité. » Elle décrit « ce métier de femme au milieu des combattants, cette corvée de mère de famille veillant sur la propreté des dortoirs et la santé des miliciens » et cet état de « ménagère-soldat » qu’elle refuse. Elle relate la défense de Sigüenza, sur le front nord, une défense qui deviendra « légende » dans de nombreux bataillons : pendant quelques semaines, alors, « le monde est devenu bois, pierres, arbres, pieds lourds enfoncés dans trois paires de chaussettes trempées, dos fléchi sous le gros paquet de la cape et du fusil, main gauche traversée de mille poignards glacés ». En somme, voici le compte-rendu intime de « cet enfer qu’aucune littérature n’a su encore inventer ».

[R.B.]