Le blog des éditions Libertalia

Réflexions sur les causes de la liberté dans Le Monde libertaire

mardi 24 mai 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde libertaire du 23 mai 2022.

Simone Weil,
avec un « W »

Loin du roman mal rapiécé sur Simone Weil d’Adrien Bosc, la nouvelle édition des Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale édités à l’origine par Albert Camus dans sa collection « Espoir » chez Gallimard, et republiées aujourd’hui par les éditions Libertalia se caractérise par son sérieux et sa qualité.

Pour mémoire, la philosophe née en 1909, entrée à l’École normale supérieure en 1928. Proche des milieux révolutionnaires antistaliniens, elle écrit alors dans La Révolution prolétarienne, militant dans la Fédération unitaire de l’Enseignement. En 1934, elle quitte temporairement ses fonctions pour aller travailler en usine avant de reprendre pour des raisons de santé son métier d’enseignante.
Lors des grèves de mai-juin 1936, elle publie plusieurs articles dans Le Libertaire puis rejoint ses compagnons pour se battre en Espagne dans le groupe internationale de la colonne Durruti. Myope, elle ne voit pas une bassine d’huile bouillante, se brûle grièvement au pied et rentre en France.
Choquée par ce qu’elle a vu et entendu sur les violences, touchée par le mysticisme, elle s’éloigne des milieux libertaires.
En 1934, elle avait rédigé une première version qu’elle espérait faire paraître dans la revue de Boris Souvarine La Critique sociale. La revue ayant cessé sa parution, elle ne l’a pas publiée, la retravaillant à plusieurs reprises. C’est seulement après sa mort qu’une première version a paru. L’édition actuelle a comparé les différents manuscrits du texte.
Le texte qu’elle considérait comme sa grande œuvre est suivi d’un texte de mise en perspective rédigé par Robert Chenavier, le meilleur spécialiste de l’approche philosophique de la pensée de Simone Weil. Il met en perspective dans une postface les aspects centraux de cette œuvre majeure.
Simone Weil écrit ce texte alors que la catastrophe est en cours et ne va pas avoir lieu dans un avenir plus ou moins lointain. Pour tenter de la contrecarrer, elle propose de réfléchir sur des aspects de la critique sociale.
La philosophe se livre à une analyse critique de la pensée marxiste qui ne distingue pas l’exploitation – le système économique capitaliste – de l’oppression – les formes de domination – tout en conservant chez Marx des éléments de réflexions critiques comme l’analyse des rapports de forces. Il serait, néanmoins, possible de constater qu’elle ne propose pas à proprement parler de réflexion comme l’aliénation individuelle et la servitude volontaire.
Mais Simone Weil ne se limite pas à cette critique de la critique. Elle propose également une réflexion sur la liberté entre existante et celle à conquérir. Liberté qui, selon elle, ne peut s’accomplir que dans et par le travail. Il faut y voir la dimension syndicaliste révolutionnaire qui finalement a imprégné l’œuvre de Simone Weil et plus tard de son premier éditeur Albert Camus.

Sylvain Boulouque

Correcteurs et correctrices sur le blog communisteslibertairescgt.org

mardi 17 mai 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur le blog Communistes libertaires de la CGT, lundi 15 novembre 2021.

Correcteur·trice,
un métier entre prestige et précarité

Responsable CGT des correcteurs et correctrices en presse papier, sur le Web et dans l’édition pour le Syndicat général du livre et de la communication écrite, Guillaume Goutte publie un petit document chez Libertalia qui fait le tour de façon précise et claire des enjeux de cette profession mythique.
Le livre ouvre sur l’histoire du Syndicat des Correcteurs, créé en 1881, qui finit par intégrer le SGLCE dans une perspective de syndicalisme d’industrie sans renier les racines d’un syndicat de métier. Il éclaire également l’importance d’un service de correction pour tout média qui se respecte.
Puis il tire un bilan, secteur par secteur, de l’extrême précarisation du métier et des luttes qui se mènent néanmoins y compris chez les travailleurs à domicile.
Extrêmement complet sur l’actualité, le livre nous laisse un peu sur notre faim quant à l’histoire, y compris récente des correcteurs. Car l’embauche bienveillante (et bienvenue) de militants révolutionnaires mis à l’index par les patrons a conduit à des affrontements homériques entre anarchistes, trotskistes et autonomes qui ont fait la richesse du syndicat mais aussi ses errements. Espérons donc une suite qui donnerait mieux à voir les contradictions du passé et les succès du présent !

Ma guerre d’Espagne à moi dans le magazine Axelle

mercredi 11 mai 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans le magazine Axelle n° 246, mai-juin 2022.

Née en 1902 en Argentine de parents juifs ayant fui les pogroms russes, Mika Etchebéhère faisait partie d’une génération de jeunes intellectuel·les marqué·es par le marxisme, la révolution russe, l’internationalisme et les idées anarchistes. Avec son mari Hippolyte, elle se rend en Espagne au moment de la révolution de 1936 et s’engage dans une colonne (formation) du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) pour combattre le fascisme au front. Après la mort au combat d’Hippolyte, Mika va rapidement gagner le respect des milicien·nes – grâce à son courage, son intelligence pratique, son empathie et son engagement corps et âme dans la lutte – et devient capitana à la tête de la colonne. Mettant ses principes théoriques à l’épreuve du réel, elle fera accepter le partage égalitaire des tâches entre femmes et hommes dans la colonne, développera une bibliothèque et une école d’alphabétisation dans les tranchées, refusera les privilèges hiérarchiques accompagnant la militarisation de la guerre et restera engagée avec les combattant·es sur la ligne de front. Elle sera, selon ses propres dires, à la fois capitaine et mère de la colonne, aiguisant son sens du combat et de la stratégie sans négliger la distribution de sirop pour la toux ou de chaussettes sèches. Ses souvenirs de la guerre d’Espagne témoignent des rêves, de la générosité, de l’audace de celles et ceux qui combattirent il y a presque 100 ans dans l’espoir d’autres lendemains, tout en tentant au quotidien de mettre en pratique l’utopie révolutionnaire. Une histoire à faire vivre, absolument.

Louise Bryone

Feu ! dans le magazine Axelle

mercredi 11 mai 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans le magazine Axelle n° 246, mai-juin 2022.

La prochaine fois, le feu, publiait l’écrivain afro-américain en 1963. Soixante ans plus tard, Feu ! Abécédaire des féminismes présents invoque à nouveau cette image pour tenter une histoire populaire (qui part d’« en bas », du collectif, du communautaire, des affinités et des points de vue situés) des féminismes de ces vingt dernières années. Au fil des pages où des voix s’expriment depuis la marge, c’est un « nous » foisonnant, multiple, hétérogène et vivant qui s’y déploie. Un nous qui colle des affiches contre les féminicides ; qui s’empare des terrains de foot, des micros des soirées hip-hop ou de la scène punk ; qui investit Internet ou les réseaux sociaux à coups de #MeToo ou de podcasts à soi ; qui tient des piquets de grève devant les hôtels jusqu’à la victoire ; qui subvertit la langue et les concepts dans les universités ; qui occupe les ronds-points en gilet jaune ; qui déboulonne les statues coloniales, lutte contre les frontières, la répression d’État et la société carcérale ; qui crée des bibliothèques et des archives féministes pour préserver notre histoire de l’oubli ; qui vit la révolution dans des squats en mixité choisie, sur les ZAD, au Rojava ou dans les territoires insurgés zapatistes… Un nous parfois aussi épuisé, en souffrance, mais qui ne veut plus se cacher ou s’excuser, qui refuse de se laisser dicter ses pensées, ses émotions, son corps, son genre et sa sexualité selon les normes dominantes et les cadres universalistes – qu’ils se prétendent féministes ou pas. Et chacune de ces voix dissidentes provoque en nous une étincelle qui nourrit le brasier de notre rage et de notre joie.

Louise Bryone

Handi-Gang sur Yanous.com

mardi 10 mai 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Yanous.com, le 6 mai 2022.

Lisez Handi-Gang !

Piètrement adapté à la télévision, ce roman publié au printemps 2017 prône l’émancipation par la révolte. Interview de l’autrice.

Les hasards de la vie sont souvent étranges, telle l’adaptation en téléfilm consensuel et lisse conçue pour l’audience de TF1 d’un roman exaltant l’émancipation de personnes handicapées oppressées et publié chez l’éditeur libertaire Libertalia : Handi-Gang raconte une lutte pour l’accessibilité et l’intégration menée à Lyon par des jeunes handicapés qui va évoluer vers des actions gagnant l’ensemble du pays, contraignant des autorités dépassées à agir. L’autrice, Cara Zina, l’a publié au printemps 2017 en pleine période de régression de l’accessibilité caractérisée par la réforme voulue par le président de la République et ses Premiers ministres d’alors, les socialistes François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls. Le téléfilm Handigang découpé en deux parties a été vu le 2 mai par 3 millions de téléspectateurs, soit 15 % de part d’audience, et en replay pendant un mois. Cara Zina revient sur l’écriture du roman et son adaptation télévisuelle.

D’où est venue l’idée de cet Handi-Gang ?
Cara Zina : Au départ, j’avais écrit Heureux les simples d’esprit [publié chez Robert Laffont en 2008 et réédité par Libertalia] qui était relativement autobiographique. Pour Handi-Gang, j’étais partie sur l’idée d’un super-héros qui serait polyhandicapé mais maîtriserait le braille, la langue des signes tout en étant en fauteuil. C’était un peu irréaliste, je suis partie plutôt sur plusieurs personnages. Mon fils est en fauteuil roulant, je travaille dans une école qui accueille des sourds, j’ai un copain aveugle et je connais pas mal d’autistes. Je travaille en classe maternelle, depuis plus de 20 ans, on a toutes sortes de publics. Le combat pour l’accessibilité mené pour mon fils pendant toute sa jeunesse m’a inspirée. J’ai vu des copains sourds ou aveugles qui rencontraient les mêmes genres d’écueils, j’ai toujours considéré dommage que cela ne se coordonne pas plus, qu’il n’y ait pas de convergence des luttes. Je trouve l’état d’esprit de la communauté sourde très intéressant, mais il n’est pas transversal. Je vois mon fils, il n’a pas été spécialement solidaire des autres personnes en situation de handicap, il n’a pas de copains dans sa situation.

C’est ce qui vous a donné envie de créer un phénomène de mobilisation ?
C’était pour dénoncer le manque d’accessibilité de notre société, parce qu’il suffirait de pas grand-chose en fait pour que ça se passe mieux pour les gens en situation de handicap. Des installations, un état d’esprit…

Si on considère la première législation de l’après-Première Guerre mondiale, on devrait vivre dans un pays entièrement accessible et inclusif ?
On est parti il a quelques mois en vacances au Costa Rica avec mon fils, parce qu’on nous avait dit que c’était très accessible. Effectivement, c’est assez fou parce que c’est pauvre, avec plein d’endroits en mauvais état, et il y a toujours un plan incliné, le moindre boui-boui on peut y accéder. Et quand on disait aux gens « c’est épatant » ils répondaient « on est obligés parce qu’une loi est passée ». En France aussi une loi est passée, il y a très longtemps, mais tout le monde s’en fout, en fait.

Vous avez donc rassemblé dans Handi-Gang des profils, des personnes que vous avez rencontrées, des situations approchées pour les intégrer à une révolte qui va essaimer nationalement en faveur des conditions de vie des jeunes et adultes handicapés, de l’autofiction qui évolue vers de la fiction pure.
Cara Zina : On peut dire ça ! C’est totalement une fiction et évidemment une utopie, même si tout est tiré de situations et scènes vécues, de gens que j’ai rencontrés. Au début, ça partait beaucoup plus dans la fiction, une cavale basculant dans le terrorisme, et je ne savais pas très bien faire, dès que ça part trop dans la fiction ça sonne faux. Je suis plutôt Djenna en vérité, parce que c’est quand même l’histoire de la mère que je connais le mieux. Le personnage de Sam est inspiré par mon fils, mais le roman a été écrit sur plusieurs années, il était jeune quand je l’ai commencé et je pouvais imaginer qu’il allait grandir comme ça alors que pas du tout, mon fils n’est pas militant ni belliqueux.

Comment retrouvez-vous votre roman dans l’adaptation télévisuelle réalisée par Stéphanie Pillonca ?
Cara Zina : Ce sont deux œuvres très différentes, comme c’est souvent le cas. J’ai été consultée pour l’écriture du scénario, j’ai juste relu et essayé d’enlever des choses qui me semblaient trop éloignées du livre. Mais le téléfilm reste assez loin du roman, au bout d’un moment il est centré autour de Théo Curin, finalement il incarne un personnage très proche de lui-même. Je ne retrouve pas tellement les rapports entre la mère et son fils, par contre la bande de jeunes fonctionne hyper bien. J’avais imposé par contrat que ces jeunes soient incarnés par des acteurs en situation de handicap. Finalement, cette bande de jeunes je l’ai rêvée, et ils l’ont fait : ils ont logé ensemble pendant le tournage, et quand j’y suis allée l’été dernier, j’ai eu l’impression que ce n’était pas mon aventure, une belle aventure dont j’aurais aimé faire partie, qui a fonctionné. Ils sont maintenant tous potes, et je pense que la petite Angèle [Rohé] qui est autiste Asperger ne s’était pas ouverte à des gens comme ça avant, que le jeune Sourd [Mathieu Hannedouche] n’avait pas spécialement de copains ni en fauteuil ni sourd ni autiste. Ils se sont trouvés grâce à cette aventure, ils ont bien accroché et sympathisé, ça se ressent bien à l’écran.

Donc cette adaptation en mode Bisounours ne vous déçoit pas trop ?
Cara Zina : Déjà, c’est quand même une chance pour mon roman parce que vous n’en aviez pas entendu parler avant, par exemple. Elle devrait pousser des gens à le lire. J’ai plus de chances de faire passer le message à travers ce média [du téléfilm] qu’avec un petit éditeur. Après, évidemment que le message est édulcoré, mais il va toucher tellement plus de monde si une partie passe quand même en termes « l’accès à la cité n’est pas évident pour les gens en situation de handicap ». Dans le téléfilm, l’adjoint du proviseur dit « tous ces travaux-là, tous ces aménagements pour un élève en situation de handicap », ça je l’ai entendu combien de fois ! Il dit ça et tout le monde est choqué, lors de l’avant-première j’ai entendu « Oh ! le connard ! » Eh bien oui, si les gens qui le disent se sentent un peu cons en le voyant dans le téléfilm, on aura réussi quelque chose.

Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2022.

Handi-Gang, de Cara Zina, a été publié chez Libertalia au printemps 2017. Il est également disponible en numérique ePUB et braille, et a tourné en lecture théâtralisée.
A découvrir : Cara Zina fut pionnière du rap féministe français, en créant en 1989 avec la future écrivaine Virginie Despentes le groupe de punk rap féministe Straight Royeur. Elle en raconte l’histoire dans
Fear of a Female Planet, écrit avec le sociologue Karim Hammou et publié chez
Nada. Un aperçu musical est à voir et entendre sur Facebook.
Partagez !