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Une belle grève de femmes dans Ouest-France (2)

jeudi 17 août 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Ouest-France, le 16 juillet 2023.

Une belle grève de femmes, c’est le titre de l’ouvrage de la journaliste Anne Crignon, paru chez Libertalia. Il reprend celui de la brochure de la militante Lucie Colliard parue après la « grande grève » victorieuse de l’hiver 1924. Institutrice révoquée pour pacifisme pendant la Première Guerre mondiale, syndicaliste, Lucie Colliard débarque sur le quai de la gare de Tréboul, à Douarnenez (Finistère), en novembre 1924 et galvanise les femmes alors en lutte dans le port de Douarnenez (Finistère).

La grève durera six semaines

Anne Crignon, originaire de Concarneau, où elle raconte s’être forgée politiquement en compagnie des dockers jusqu’aux aurores, croque avec précision le Douarnenez de 1924, les chants, la misère, les humiliations, l’immense fatigue à en dormir debout. Et cette grève du besoin qui couve, éclate et durera six semaines. « Tout part de l’usine Carnaud le 21 novembre. De la vraie fureur. Le contremaître, un certain Trellu, a refusé de recevoir des ouvrières qui voulaient parler de leur paye et de ce trop-plein d’heures à travailler qui les use. Mal lui en a pris. La dérobe est perçue pour ce qu’elle est : du mépris. C’est l’offense de trop. Cent ouvrières et quarante manœuvres de la “Méta”, ainsi qu’on appelle cette fabrique de boîtes de conserve, quittent les ateliers », écrit-elle.

« Concarneau m’a faite politiquement »

Pendant deux ans, la journaliste s’est fait enquêtrice à Douarnenez, sa petite chienne Ilka sur ses talons. « À la manière de Tintin et Milou », elle a arpenté les lieux et plongé dans les livres oubliés. Au fil des pages de son ouvrage, riche de la langue des sardinières recueillie à Douarnenez au début des années 1990 par Anne-Denes Martin, on en apprend sur les lieux de rassemblement des femmes et la participation des hommes, arrivée dans un deuxième temps en soutien. « Pemp real a vo / Pemp real a vo / Pemp real » (Nous voulons vingt-cinq sous et nous les aurons) est adopté et se chante sur l’air des lampions. On en apprend sur la vie du port, une vie de labeur dans les usines qui débute souvent à dix ou douze ans.

Flanchec, Charles Tillon, Daniel Renoult…

On croise Daniel Le Flanchec, maire communiste de la ville qui vient de succéder à Sébastien Velly. « Flanchec » l’orateur né, surnommé « l’œil de Moscou », bientôt victime d’une tentative d’assassinat.
On croise Charles Tillon, le responsable de la CGTU (Confédération générale du travail unitaire), qui sera, en 1940, le cofondateur et chef des FTP (Francs-tireurs et partisans), on croise Daniel Renoult, journaliste à L’Humanité, et l’intraitable René Béziers, patron chez les patrons. C’est vivant et ça s’anime devant nos yeux, près de cent ans après.

Marion Godinec