Éditions Libertalia
> Blog & revue de presse
mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien
Paru dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2018/4, n° 140.
Le livre que vient de signer, d’une plume leste et toujours efficace, Laurence de Cock répond à un besoin : insérer dans le temps long les débats sur l’enseignement de l’histoire qui agitent régulièrement la France depuis les années 1980. Elle le fait en alliant érudition et conviction et en essayant de produire une histoire « vue d’en bas » qui laisse place, autant que les sources le permettent, au point de vue des acteurs et à leurs pratiques, sans réduire l’étude aux variations des intitulés des programmes.
L’auteure dresse tout d’abord un portrait de l’enseignement de l’histoire en France du 19e siècle à 1945 en s’appuyant sur les études disponibles et sur les écrits de ceux qui, parmi les contemporains, se sont intéressés aux pratiques enseignantes. Elle s’inscrit notamment en faux contre le mythe d’un enseignement performant propre à susciter la nostalgie d’un temps où celui-ci aurait su produire du français. Elle montre comment, dès ce moment, se construisent des « routines scolaires » que les réformateurs n’ont de cesse de dénoncer pour tâcher de le rendre plus efficace. Il n’y a jamais eu d’âge d’or sinon dans le regard rétrospectif. Puis elle étudie, au fil de deux chapitres, la période qui va de 1945 au début des années 2000. Elle montre les tentatives de rupture, en recourant notamment au document, avec une discipline caractérisée par la place accordée à la mémorisation. Elle contextualise la notion de « discipline d’éveil » et en rappelle les attendus fort éloignés de la caricature qui en est souvent faite aujourd’hui et insiste à bon droit sur les polémiques des années 1980 qui dessinent et structurent les suivantes. Historienne de l’enseignement, elle replace celles-ci dans le double contexte d’une montée des demandes sociales et d’une médiatisation croissante de l’histoire. Elle s’intéresse ensuite aux débats des années 2000 dont elle a été une actrice à travers ses prises de position et l’association qu’elle a impulsée : Aggiornamento. Elle s’acquitte de cette tâche avec efficacité en historicisant sa propre expérience comme en prenant appui sur les enquêtes de terrain conduites ces vingt dernières années. Ainsi les pages qu’elle consacre à l’objet « manuel » devraient-elles être lues par toute personne qui entend utiliser cet objet pour nourrir un discours sur ce qui est enseigné à l’école.
Enfin, elle esquisse – mais cette fois au nom d’un locuteur collectif – un ensemble de propositions pour renouveler l’enseignement de l’histoire. Parmi ces propositions retenons-en une qui nous paraît essentielle : l’enseignement est un acte de confiance envers les enseignants comme envers les élèves et la production de programmes de plus en plus détaillés sans véritables espaces de choix va à l’encontre de cette nécessaire confiance. L’enseignement de l’histoire ne peut être un inventaire destiné à satisfaire tous les secteurs de l’opinion (même composée d’académiciens), c’est un chemin dont la finalité est de nourrir une intelligence critique dans un contexte concret : celui d’une classe donnée.
La lecture de ce livre est donc à recommander à tous ceux qui s’intéressent à l’enseignement de l’histoire pour en connaître l’histoire comme pour sortir de la répétition de polémiques stériles et avoir enfin le débat que cet enseignement mérite.
Patrick Garcia
mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien
Paru dans Le Monde diplomatique (novembre 2018).
L’organisation née en 1920 au congrès de Tours de la scission de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) fut à ses débuts profondément internationaliste, en pointe sur les questions du féminisme, de l’antimilitarisme et de l’anticolonialisme. Une période peu connue : les ouvrages anticommunistes mettent l’accent sur la stalinisation ultérieure ; l’historiographie communiste officielle a longtemps dépeint une « greffe » du bolchevisme russe sur le corps du socialisme français.
En s’attardant sur les « différentes potentialités politiques » qui y coexistaient jusqu’en 1924, l’historien Julien Chuzeville propose une lecture nouvelle des origines du Parti communiste français (PCF), soulignant notamment un malentendu quant à la nature du bolchevisme de la IIIe Internationale communiste à laquelle le parti adhère. Apparaît, surtout, l’importance de l’espoir suscité par les mobilisations sociales des années 1917-1920. Mais le PCF voit paradoxalement le jour au moment où s’achève le « court moment révolutionnaire » qui avait justifié sa création.
Laura Raim
mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien
Paru dans Politis, octobre 2018.
C’est un livre de lutte en faveur des 900 travailleurs de l’usine Ford de Blanquefort, près de Bordeaux, dont l’un des plus célèbres est l’ancien candidat NPA à la présidentielle et toujours syndicaliste CGT Philippe Poutou, qui coordonne l’ouvrage avec Béatrice Walylo. Alors que la multinationale a réalisé 7 milliards d’euros de profits et reçu 50 millions de subventions publiques, elle a décidé de liquider ce site. Les droits de ce livre réunissant de brillantes plumes, de Serge Halimi aux Pinçon-Charlot en passant par Guillaume Meurice, et les dessins de Faujour ou Colloghan sont reversés à l’Association de défense des emploi Ford.
mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien
Paru sur Lescomics.fr, 5 novembre 2018.
Super-Héros : une histoire politique est un essai captivant plein d’anecdotes et d’exemples très pertinents démontrant que le super-héros est politique. Sortant des sentiers battus dans son approche et à travers certains héros choisis, le livre saura intéresser ceux pour qui le comics est lié au politique.
Comics-Love
« Tout est politique », cette phrase que l’on peut parfois entendre est une réflexion que j’apprécie particulièrement et dans laquelle je me retrouve.
Le titre du présent livre ne pouvait donc signifier qu’une lecture dans laquelle j’allais me retrouver. Eh bien, oui !
Non seulement l’ouvrage est pertinent dans la manière qu’il a d’expliquer comment les super-héros sont intimement liés à une construction et à une posture politique consciente ou inconsciente mais il parvient également à se faire très didactique. L’ouvrage est truffé de références plus ou moins connues (j’ai appris pas mal de choses, ce qui n’est pas étonnant puisque je n’ai rien d’un érudit) et surtout, son découpage est malin.
En effet, le livre de William Blanc analyse l’aspect politique à travers des personnages. On en retrouve des connus à côté desquels il était impossible de passer comme Superman ou Wonder Woman ainsi que Black Panther, mais il y en a également d’autres moins communs tels que Namor, l’Escadron Suprême ou encore Howard the Duck. Le tout forme un essai très bien documenté et aussi très synthétique. Les chapitres sont courts, illustrés grâce à des couvertures ou des images de films/séries et ils permettent de faire comprendre le point de vue de l’auteur très clairement. Je reprocherai simplement cette courte durée qui donne parfois un sentiment d’inachevé dans certaines réflexions, mais c’est mon côté casse-pieds qui fait ça. Parce qu’en vérité, les lecteurs seront suffisamment conquis par la clarté et les synthèses de la rédaction.
Alors, forcément, si vous vous lancez dans cette lecture, c’est que vous êtes déjà convaincus que l’histoire des comics est inscrite dans de nombreux courants politiques. Pour autant, à travers certains chapitres, vous apprendrez certains éléments que vous ignoriez et surtout, l’auteur ne fait pas que des louanges, montrant parfois certaines contradictions chez les créateurs ou les éditeurs.
Cependant, si William Blanc traite de l’aspect politique tel que l’on peut entendre de la manière la plus commune possible, c’est-à-dire via les thèmes sociaux, il va aussi l’analyser via la construction du mythe super-héroïque qui baigne dans une forme de stéréotype lui aussi très politique. C’est ici que l’on perçoit pleinement la qualité de l’ouvrage car il parvient à mettre le doigt sur des aspects que je connais mais où j’ai parfois du mal à analyser précisément. Un autre exemple que je vous laisserai trouver lors de votre lecture est lui aussi intéressant car il analyse un autre angle que j’ai découvert grâce à cette lecture.
Bref, Super-Héros : une histoire politique est une très bonne lecture. Pleine d’anecdotes et dotée d’un propos construit de manière suffisamment synthétique pour permettre une lecture facile, il se distingue des autres lectures à travers certains exemples originaux.
mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien
À propos de la publication du second volume de la bande dessinée Istrati ! de Golo, dans Le Canard enchaîné du mercredi 21 novembre 2018. Notre édition de Codine est citée en fin d’article.
Le dessinateur Golo publie le second volume d’“Istrati !” (Actes Sud). Il y raconte la vie follement libre et libertaire de ce vagabond devenu écrivain.
Comme le bottier Georges Ionesco, qui le vit débarquer un jour de 1913, hirsute et mal rasé, dans sa boutique parisienne, quiconque lit Panaït Istrati (1884-1935) ne peut qu’être frappé d’un coup de foudre : tout à coup, voilà un ami, un frère ! Quelqu’un qu’on aurait aimé rencontrer, écouter conter ses mille et une aventures, avec qui on aurait volontiers embarqué pour Le Caire, Naples ou Beyrouth.
On s’enchante qu’il ait tant écrit, une vingtaine de livres à découvrir, lire et relire. On s’épate qu’après un long oubli les éditeurs s’en entichent de nouveau. On applaudit cette biographie réalisée par Golo (qui avait déjà admirablement réussi celle de B. Traven, autre grande figure d’aventurier libertaire hors norme). Cette entreprise titanesque, plus de 400 planches, Golo la réussit haut la main, s’inspirant au plus près des récits autobiographiques d’Istrati, nous restituant sa voix, sa fougue, son tumulte, l’accompagnant de son dessin terriblement vivant et généreux.
Il y a, dans les livres d’Istrati, tout ce qu’on n’apprend pas dans les livres, et qui fait rêver : le goût de l’amitié vraie, des bonheurs qui font pleurer, la passion pour les vérités simples et les grandes altitudes de l’esprit, l’inépuisable curiosité pour le vaste monde et le cœur des hommes. Il naît dans le petit port de Braïla, sur le Danube, d’une mère blanchisseuse et d’un père contrebandier (qui meurt alors qu’il a 9 mois). Conditions de vie précaires, avec déménagements à la cloche de bois…
Très jeune, Istrati dévore les livres. Puis la vie, les amitiés, les amours. A la belle couturière à qui sa mère veut le fiancer et qui lui dit son idéal de gagner beaucoup, il lance : « Non ! Je ne veux pas de “beaux enfants”, ni un “intérieur”, ni faire fortune ! Mon plus bel intérieur, c’est le grand air ! Ma plus grande fortune : mon corps, mes passions, ma pensée. » Il part à l’aventure, ne recule pas devant les nuits à la belle étoile, les punaises et les poux, les boulots de galère, goûte la compagnie des bonnes amies, de l’eau-de-vie et des narguilés, tient bon face à la tuberculose qui le ronge.
Comment, au sanatorium, il découvre, émerveillé, les livres de Romain Rolland et se met, à près de 40 ans, à apprendre en autodidacte cette langue fascinante, le français, pour en user ensuite merveilleusement, voilà ce que raconte ce second tome. Admiré, fêté, devenu l’un des rares prolétaires hissés au rang d’« écrivain révolutionnaire », Istrati applaudit la révolution bolchevique, est invité à visiter la toute jeune URSS lors de son 10e anniversaire, en 1927, la sillonne, en revient avec un livre terrible, « Vers l’autre flamme », où il en dénonce l’imposture et révèle ses quatre vérités, bien avant Gide.
Rattrapé par la tuberculose, il meurt, calomnié par ses anciens amis (Barbusse en tête) et traité de fasciste par « L’Humanité », mais heureux : il vient de lire un livre qui l’enthousiasme et dont il écrit la préface pour l’édition française. « J’ai trouvé un frère », dit-il. C’est « La vache enragée », de George Orwell.
• Tome I, « Le vagabond », 264 p., 26 €. Tome II, « L’écrivain », 220 p., 25 € (Actes Sud). Vient de paraître « Codine » (Libertalia), 146 p., 8 €, bref chef-d’œuvre où Istrati raconte son amitié, dès ses 12 ans, avec un féroce voyou au grand cœur nommé Codine.
Jean-Luc Porquet