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mercredi 28 septembre 2022 :: Permalien
Présentation de
Detransition, Baby
de Torrey Peters
aux éditions Libertalia
par Cécil Chaignot [1]
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Detransition, Baby détonne dans le champ de la littérature et accompagne l’entrée de la culture trans dans les imaginaires. Le roman est significatif du passage d’une production de récits explicatifs des réalités trans à l’irruption dans le champ de la fiction. Jusqu’alors, les récits fictionnels ou biographiques racontaient les parcours des unes et des autres, les difficultés à se dire trans, à changer son corps, à affronter sa famille, etc. Les livres et les films parlant des vies trans participaient d’un mouvement général de compréhension et d’acceptation ou de rejet et de discrimination des trajectoires trans dans nos sociétés. Le moment de la digestion culturelle trans a passé, l’imagination peut prendre le dessus et se déployer pour raconter des histoires neuves : Detransition, Baby arrive exactement à cet endroit.
Pour ma part, j’attendais depuis longtemps un récit de ce type, mordant et drôle, capable de faire rire des travers de nos communautés, usant d’ironie pour transformer la condition minoritaire – marginale et discriminée – en histoires rocambolesques et trépidantes. Le talent de Torrey Peters réside en grande partie dans sa force de sublimation de nos vies trans, qui se révèlent bien plus riches et inventives. Ce roman, qui a été salué comme le premier roman mainstream trans aux États-Unis, emprunte la forme d’un soap contemporain : la narratrice s’amuse à nous présenter des romances queers, des intrigues légères et sucrées comme dans une telenovela vénézuélienne qui viendrait s’écraser dans le mur de l’hétéronormativité. Comme dans toute série à l’eau de rose, les rencontres amoureuses et sexuelles des trois femmes du livre organisent la narration, jusqu’à ce qu’elles se posent la question de comment construire une famille ensemble, dans la queerness et à côté.
Sous le vernis de la superficialité de l’intrigue, les questions centrales des identités trans et de la famille irriguent l’histoire. Qu’est-ce que c’est d’être une femme trans et de vouloir être mère ? Comment imaginer une famille après avoir détransitionné ? Comment une femme cis en rupture avec l’hétérosexualité peut inventer une famille queer ? Les questions se posent et se tordent sans se répondre, le grand bricolage à l’œuvre aboutira-t-il ?
Chaque personnage du trouple familial formé de Reese, Amy/Ames et Katrina avance avec son double caché à l’opposé du stéréotype qui lui colle à la peau : une femme trans hypersexualisée, une détransitionneuse perdue pour la communauté, une femme hétéro enceinte. Ces trois femmes bien définies dans leurs catégories respectives se détourneront du script de leur destin en tentant de tricoter une alliance familiale novatrice. Chacune d’entre elle est missionnée pour ouvrir une voie et tisser des alliances pour parvenir à un nouvel équilibre, le roman suit le fil de ces trois voix qui se mêlent et se nouent savamment.
Le livre, publié par une maison d’édition de renom, Penguin Book, a connu un grand succès à sa sortie aux États-Unis. Les traductions en langues étrangères s’enchaînent un peu partout en Europe, et maintenant en France. Cependant, la réception du livre n’est pas allée sans critiques féroces de la part de féministes sur les aspects controversés de la fictionnalisation de la violence sexuelle ainsi que pour avoir figuré sur la liste des nominées au Women’s Prize For Fiction, prestigieux prix littéraire au Royaume-Uni réservé aux autrices de fiction. Torrey Peters a subi toute une série d’attaques en règle de pure transphobie crasse dont une tribune d’écrivaines injuriante à son égard, la renvoyant aux vieilles catégories de paraphilie et ne la reconnaissant pas comme femme.
Nous sommes encore à une époque où l’avancée des droits des femmes trans reste très fragile, où le succès et la reconnaissance publique d’une écrivaine trans l’expose à un backlash acerbe. Ce paradoxe culturel du backlash se répète cruellement pour Torrey Peters qui paie pour l’ensemble des femmes trans qui s’exposent publiquement. Le mouvement #MeToo a occasionné nombre de réactions outrées de commentateurs – hommes – qui reprochaient aux femmes d’aller trop loin. Peters a été accusée d’être un homme travesti en femme et de voler la parole des femmes, vieille rengaine transphobe maintes fois ressassée. Je lui souhaite qu’elle aille encore plus loin dans son succès et que le lectorat francophone se régale comme moi à la lecture de son livre.
Sans révéler l’intrigue du roman, je voudrais prendre le temps de contextualiser certains éléments qui méritent quelques explications.
Au sujet des détransitions. Les détransitionneur·euses sont des personnes qui se sont lancées dans une transition de genre et qui ont lâché en cours de route, qui ont renoncé à changer leur corps ou leur présentation de genre, quelles que soient les raisons. Les détransitionneur·euses sont rares, et le sujet peu abordé, peu débattu, et je crois que dans la communauté queer, tout le monde s’en fout. Je veux dire, l’époque est plutôt à une dispersion des identités, à une démultiplication des identités : il faut prendre en compte sous le parapluie trans les transgenres, les transexuel·les, les non-binaires, les masculine of center, les genderfluid, transfeminine, les neutrois, etc. Les appellations varient et changent avec le temps, ce qui compte c’est que chacun·e s’y retrouve. Certain·es trans suivent un protocole fixe et sont capables de dire qu’iels ont fini leur transition, d’autres ne changeront jamais leur corps. D’autres prennent des hormones ou recourent à des opérations chirurgicales et s’arrêtent là. Ça fait belle lurette que les trans bricolent avec les protocoles de transition, et iels n’en sont pas moins trans.
Dès lors, détransitionner est un non-événement, il n’y a que pour la droite réac que le sujet des détransitions est un épouvantail à agiter pour délégitimer les parcours trans et en particulier les transitions des jeunes. En effet, les anti-trans, qui se font de plus en plus entendre aux États-Unis et en Europe, mettent en avant des récits de détransitionneur·euses comme le résultat d’une trop grande facilité d’accès aux hormones et aux chirurgies, et agitent des figures malheureuses de personnes détransitionneuses pour imposer des politiques restrictives aux conséquences dramatiques. Les anti-trans qui regroupent des psys cramponnés sur « l’ordre symbolique », des religieux d’extrême droite, proche de la Manif pour tous en France, et des fondamentalistes religieux aux États-Unis mènent la bataille contre les trans et en particulier contre les protocoles existants pour les jeunes trans [2]. Leur discours est simple : les jeunes trans ont été influencé·es par les réseaux sociaux, iels sont victimes de « contamination trans », iels ne savent pas ce qu’iels veulent, empêchons-les de changer leur corps et de s’abîmer, imposons des restrictions d’accès aux soins en renforçant le contrôle des psychiatres, en bridant la possibilité pour les mineurs des thérapies hormonales. Derrière cet apparent souci du bien-être se cache bien souvent une rhétorique conservatrice du genre, où le sexe de naissance d’un individu déterminerait son destin genré. L’instrumentalisation des quelques récits de détransitionneur·euses repentant·es érigée·s en symbole de politiques trop libérales sont surtout révélatrices de la panique de genre que vit le vieil ordre patriarcal qui se meurt. Les tenants de cet ordre sont déstabilisés par l’irruption des transidentités et des nouvelles identités de genres, et ce que nous apprend leur effroi provoqué par les détransitionneur·euses est leur propre angoisse de la fin de la fixité du genre.
Torrey Peters, en intitulant son livre Detransition, Baby, coupe l’herbe sous le pied aux réacs anti-trans, elle affirme ainsi que les détransitionneur·euses restent avec nous dans le grand bain tumultueux de la queerness. Détransitionner n’est pas un retour à la norme, plutôt une pause, ou un détour, ou la recherche d’un nouveau chemin dans l’existence. Les détransitionneur·euses commencent à parler et on sait maintenant qu’il s’agit pour iels avant tout de lassitude face à l’adversité vécue dans une transition ou d’une lassitude de genre. Faire une transition de genre dans la vie est un bouleversement existentiel majeur et en premier lieu dans toutes les interactions sociales et familiales, une transition suscite de l’adversité voire de la violence. Les raisons d’abandonner et de renoncer à changer son corps ou sa présentation de genre sont multiples et évidentes. Décider de s’engager dans une transition est vertigineux et solitaire comme choix personnel, rares sont celleux qui ont les soutiens et la bienveillance nécessaires pour se lancer dans l’aventure [3].
Au sujet des maternités trans. Les trans ont des enfants, font des enfants, comme les gays et les lesbiennes ont des enfants et font des enfants. Le sujet est encore marginal et spectaculaire, comme tout ce qui concerne les trans en l’état de la société, les expériences trans sont pionnières quel que soit le champ : la première femme trans Miss Monde, le premier mec trans paratrooper, le premier homme trans acteur d’un film majeur, etc., comme toute trajectoire individuelle marquante d’une communauté réduite [4]. Les hommes trans, bien que n’ayant pas accès à la PMA et aux droits reproductifs officiellement, sont de plus en plus nombreux à porter un enfant et à construire des familles. La loi autorise la conservation des gamètes pour les personnes trans mais pas leur utilisation une fois l’état civil modifié. Le slogan « PMA pour toutEs » préfigure les luttes à venir des hommes trans pour un accès entier aux droits reproductifs et à la filiation.
En revanche, les femmes trans ne peuvent pas concevoir d’enfants de leurs corps, mais ça n’est qu’une question de temps d’ici à ce qu’une femme trans porte un enfant d’un utérus qui lui sera implanté. Une affaire de mise au point technique donc.
L’envie est bien là, des femmes trans désirent être mère et porter des enfants. Si la question de la maternité des femmes trans n’a pas encore percé publiquement et n’a pas trouvé de formulation politique, je crois que c’est parce qu’elle se heurte frontalement à l’image hypersexuelle des femmes trans. Le personnage de Reese en est la parfaite incarnation, elle souhaite plus que tout être mère bien qu’ayant une vie sexuelle débridée. Cette contradiction mère/pute hante nos a priori sur les féminités en général : une mère n’a pas de sexualité, les femmes en maîtrise de leur sexualité ne veulent pas avoir d’enfants. Pour les femmes trans, bien souvent reléguées au travail du sexe (savoir s’il s’agit de choix ou de contrainte n’est pas pertinent), il est impossible de parler même du bout des lèvres de désir d’enfant. J’insiste, les femmes trans occupent la position la plus stigmatisée, la plus socialement inconfortable, elles sont perçues comme « monstrueuses » socialement. Le désir d’enfant des femmes trans est un désir sans formulation légitime, une envie qui concentre un désaveu social absolu. Les pionnières qui se lanceront dans l’aventure de la maternité trans auront face à elles une adversité culturelle et politique brutale.
Au sujet de la violence dans la sexualité. Par la voix de la narratrice et du personnage de Reese, Detransition, Baby vient piquer à l’endroit d’une contradiction non résolue dans le féminisme, le consentement à la violence dans la sexualité. Reese fait le récit d’une rencontre sexuelle avec un homme cis – qu’elle qualifie de connard – avec qui elle entretient une relation fondée sur sa soumission. Elle parle de son goût pour les mecs violents, pour le pouvoir dans la sexualité et y compris de son attrait pour la violence, et formule avec lucidité le lien entre l’usage de la violence et le genre. Elle est pleinement consciente que la violence exercée contre elle confirme sa féminité. Elle écorne très justement la notion de consentement en affirmant que quand le genre se mêle au pouvoir, ou plus précisément quand le désir de la confirmation du genre passe par le pouvoir, il n’est pas étonnant que de la violence surgisse. Elle est donc dans un rapport de soumission à un homme qui, au travers de la violence physique, lui sert à valider sa féminité tout en y prenant du plaisir. Forcément, cette lecture de l’articulation du genre et du pouvoir est grinçante et entre en contradiction frontale avec le féminisme le plus basique. Le féminisme a comme principe fondamental de défaire la violence de genre, de la combattre sous toutes ses formes, de ne jamais la justifier. Une critique féministe et queer de l’hétérosexualité en arrive à conclure que l’hétérosexualité est une sexualité BDSM sans consentement. Reese reprendrait à son compte l’hétérosexisme sous une forme violente dans le but de se sentir pleinement femme.
En citant Sylvia Plath, « Every woman adores a fascist », Reese s’inclut dans ce toutes les femmes qui aiment la domination. Parce qu’elle est une femme trans, l’artificialité de la violence de genre est d’autant plus flagrante. Ce que dit Reese de son désir de soumission ne fait que dévoiler le genre comme un rapport de pouvoir. La féminité des femmes cis ou des femmes trans se construit et se renforce dans des dynamiques semblables, le pouvoir et la violence participent de la consolidation des genres. Pourquoi les femmes trans devraient-elles représenter un idéal de féminité débarrassé du sexisme ? Pourquoi cette injonction pèse en particulier sur les femmes trans ? Je veux dire, pourquoi penser que les femmes trans incarneraient une féminité différente, plus émancipée ? Le package de la féminité comprend tout un tas d’attributs connus, la fragilité, le care, la coquetterie, la séduction, etc., et y compris du sexisme. Les femmes trans n’ont pas choisi de faire le tri entre ce qu’il y aurait à garder ou à jeter dans le féminin.
Aussi, les femmes trans sont bien souvent oubliées du féminisme quand elles ne sont pas mises à l’écart. Elles sont parfois suspectes de jouer le jeu de l’ennemi, de n’être pas tout à fait des femmes, elles sont attaquées frontalement par les terfs. La place des femmes trans est bien trop souvent questionnée, ce n’est donc pas si étonnant que Peters s’autorise à titiller la pureté féministe pourtant pétrie de contradictions.
La violence sexuelle reste absolument abjecte, il n’y a pas de négociations sur ce sujet. En revanche, des formes de pouvoir et de violences consenties dans la sexualité viennent buter sur l’idéal d’émancipation porté par le féminisme. Il y a quelque chose d’irréconciliable entre la soumission des femmes dans la sexualité et l’utopie féministe. De même que l’hétérosexisme est insoutenable pour toutes les femmes, le transféminisme s’emploie à défaire les imaginaires colonisés par la domination. L’essor du féminisme dans les communautés trans promet des changements profonds dans les féminités, qui je l’espère retentiront dans les imaginaires sexuels.
Enfin, n’oublions pas qui sont les dominants. Il me paraît plus intéressant de s’en prendre aux mecs violents, à la violence constitutive de la masculinité chez les mecs cis comme chez les mecs trans. Les hommes usent de la violence pour consolider leur pouvoir, ne s’embarrassent pas souvent du consentement, les hommes ont la possibilité de la violence comme une ressource, un savoir, une pratique pour renforcer leur domination. Si le genre est un rapport de pouvoir, le masculin est donc celui des dominants. C’est la masculinité qu’il faut défaire, la toute-puissance des hommes qu’il faut attaquer, c’est aux mecs violents qu’il faut réserver la haine et le mépris.
Au sujet des suicides de trans. Le livre met en scène une cérémonie à l’occasion d’un enterrement d’une femme trans et présente cet événement comme un énième suicide de femme trans. Au-delà de la fiction, les suicides des trans sont nombreux et symptomatiques de la difficulté de se vivre trans. Les minorités sexuelles sont très exposées au risque de suicide, les personnes trans en particulier. Il n’existe pas de données précises en France de la prévalence du suicide chez les trans, en revanche, aux États-Unis, des études avancent que 41 % des personnes trans ont tenté de se suicider au cours de leur vie [5], et que 52 % ont sérieusement envisagé de se suicider en 2020. Les raisons sont connues : la discrimination ou la peur d’être exclu·e socialement, le rejet familial, l’absence de soutien de l’entourage, c’est-à-dire la transphobie dans toutes ses déclinaisons. Les solutions avancées par les groupes LGBT pour une meilleure acceptation des trans dans nos sociétés sont variées et passent invariablement par une meilleure prise en charge médicale, la possibilité de psychothérapies bienveillantes, l’accès aux hormones et aux chirurgies.
Mais revenons à la fiction. Torrey Peters flirte avec le mauvais goût macabre en ironisant sur l’aspect mondain des enterrements de femmes trans qui se sont flinguées. Elle s’empare du sujet sans verser dans un misérabilisme morbide mais plutôt en considérant qu’il faut parler des suicides des trans, comme je viens de le faire de manière factuelle tant les suicides trans sont massifs. Dans le même mouvement de mise en fiction de la part d’ombre des vies trans, elle fait du récit de la honte un trait commun de nos communautés. Nos hontes enfouies, nos souvenirs malheureux du sentiment de notre propre étrangeté, ces moments que nous avons tous·tes vécus de total décalage à la norme, de gêne angoissante, Peters les exhume dans un retournement de fierté. L’expérience de la minorité sexuelle ou de genre est faite de l’intériorisation pour chacune de nous de formes de désespoir et de honte. Arriver à raconter ces sentiments pénibles et les tourner en glamour désamorce leur poids réel avec l’espoir véritable que les trans cessent de vouloir se tuer.
Bref, si tu lis ce livre avec l’espoir de mieux comprendre les transidentités, de trouver dans ces pages un écho à tes doutes sur ton identité de genre, si tu cherches un guide sur cette voie pavée d’embûches qu’est une transition, si tu penses que tu y trouveras des outils pour affronter le monde, sortir du placard auprès de tes proches, alors oublie. Rien dans Detransition, Baby ne te donnera des clés ou des réponses sur les questionnements de genre, les effets des hormones, sur comment passer dans telle ou telle circonstance. Bien sûr que ce livre parle de trans, d’hormones, de corps, mais l’histoire que vous avez entre les mains campe des femmes trans fières et puissantes, résolument engagées dans leur vies, actrices de leur communauté, absolument impénitentes et audacieuses, unapologetic comme disent les Américains.
[1] Cécil Chaignot est militant féministe et transpédégouine depuis de nombreuses années, il a découvert jeune le féminisme dans les Marie Pas Claire, groupe féministe génial des années 1990, puis a participé à la création du Centre gai et lesbien de Paris en pleine crise de l’épidémie du sida, puis a lancé avec des amis pédés la Queer Food For Love, a milité à Act Up Paris pour y faire des vidéos, a fait la régie aux Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités (UEEH) de Marseille, a pris part aux Temps espace ultra féministe et festif (Teuff), a rejoint les Panthères roses jusqu’à la bataille pour le mariage et la PMA pour tous·tes. Il est l’auteur de l’article « Amour » dans Feu ! Abécédaire des féminismes présents (Libertalia, 2021).
[2] Pour en savoir plus sur le contexte états-unien, le média Translash a fait un travail remarquable et une série de podcasts sur les anti-trans bill : https://translash.org/antitranshatemachine/
[3] Tanguy Youen, « Détransitions de genre : “J’en ai marre qu’on dramatise comme si c’était la fin du monde », Libération, 12 juillet 2022, www.liberation.fr/societe/sexualite-et-genres/detransitions- de-genre-jen-ai-marre-quon-dramatise-comme-si-cetait-la-fin-du- monde-20220712_RS5SX5IF3NALXKEGPKQSACKESQ/
[4] Elez Virginia, « Consangouinité, vol I – La meute qui nous habite », Trou noir n° 25, 28 juin 2022, en ligne sur https://trounoir. org/ ?Consangouinites-vol-I-La-meute-qui-nous-habite
[5] Martet Christophe, « Face à une épidémie de transphobie, que fait-on ? », Komitid, 7 janvier 2022, https://www.komitid. fr/2022/01/07/face-a-une-epidemie-de-transphobie-que-fait-on/ ** Ennis Dawn, « Terrible time for trans youth : new survey spot- lights suicide attempts — and hope », Forbes, 19 mai 2021, https:// www.forbes.com/sites/dawnstaceyennis/2021/05/19/terrible- time-for-trans-youth-new-survey-spotlights-suicide-spike---and- hope/ ?sh=7163e0bc716e
lundi 26 septembre 2022 :: Permalien
Publié dans L’Express, le 23 septembre 2022.
Avec sa Brève histoire de la concentration dans le monde du livre, publiée chez Libertalia, l’historien Jean-Yves Mollier remonte à l’origine des phénomènes de concentration et de financiarisation. Un petit livre accessible qui tombe à pic alors que les visées de Vincent Bolloré n’en finissent plus d’inquiéter un monde de l’édition dont les dix premières entreprises réalisent 87 % du chiffre d’affaires total de l’édition. Entretien.
Le point de départ de votre livre est l’OPA lancée par Vincent Bolloré pour s’emparer du groupe Hachette. On sait depuis cet été que Vivendi a abandonné son projet de fusion et envisage de revendre Editis. Est-ce une bonne nouvelle pour le monde de l’édition ?
Jean-Yves Mollier : Non, cela ne change rien fondamentalement. Le groupe Vivendi savait pertinemment que la Commission européenne n’autoriserait pas l’addition d’Hachette et d’Editis. D’autant qu’il y a eu des précédents. En 2004 déjà, pour éviter le risque d’abus de position dominante, la Commission avait imposé à la famille Lagardère la revente de 60 % de ce qui était Vivendi Universal Publishing et allait devenir Editis. Ils ont donc pris les devants. Mais en 2021, Editis, c’est 850 millions de chiffre d’affaires (CA) et Hachette près de 2 milliards 600 millions. Si vous lâchez le premier pour récupérer le second, vous êtes évidemment gagnant ! D’autant plus qu’Hachette a de très fortes positions à l’international puisque les 2/3 de son CA est réalisé en Grande-Bretagne et dans les pays anglophones.
Donc c’est une double opération gagnante de la part de Bolloré et de Vivendi. D’une part, il récupère Hachette et de l’autre, il se réserve le droit souverain de choisir le repreneur d’Editis puisqu’il en possède 30 % à titre personnel. On peut s’attendre à ce qu’il choisisse un groupe qui soit plutôt léger dans le monde de l’édition. Lagardère avait d’ailleurs procédé ainsi en 2004 en optant pour le fonds Wendel Investissement, emmené par le baron Seillière, comme repreneur des fameux 60 % d’Editis. Il n’avait strictement aucune expérience de ce monde-là et si l’opération s’est avérée finalement gagnante, il aurait pu en être autrement…
Plusieurs acteurs de la chaîne du livre se sont inquiétés de l’éventuel renforcement de la position déjà dominante d’Hachette. Ces inquiétudes sont-elles légitimes ?
Les chiffres sont criants. Livres Hebdo vient de publier son classement des 200 premiers éditeurs français : les deux premiers groupes, Hachette et Editis, réalisent plus de 50 % du chiffre d’affaires total de l’édition qui s’élève à un peu plus de 6,85 milliards. Ajoutons les trois suivants, soit Media-Participations, Madrigall et Lefebvre-Sarrut, on atteint 75,75 % du CA global. Enfin, en prenant les 10 majors, on monte à 87 % du CA de l’édition ! Autrement dit, il reste 13 % du chiffre d’affaires total, soit environ 700 millions, pour des centaines et des centaines de PME. Jamais la concentration n’a été aussi importante. Donc oui, il y a de quoi s’inquiéter. Pour la diversité éditoriale, la survie des éditeurs indépendants mais aussi par rapport aux risques d’interventionnisme.
Le Monde a révélé qu’Editis avait suspendu la parution du livre du chroniqueur Guillaume Meurice et Nathalie Gendrot, Le Fin mot de l’histoire de France en 200 expressions (Le Robert), qui égratignait Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi, maison mère du groupe d’édition. Qu’en pensez-vous ?
On a une nouvelle fois confirmation que Vincent Bolloré ne supporte pas la moindre contrariété. Il ressemble, de ce point de vue-là, à Nicolas Sarkozy qui était intervenu chez Fayard, auprès de son ancienne patronne Sophie de Closets mais aussi chez Grasset, auprès de son PDG Olivier Nora. Vincent Bolloré a tort, stratégiquement parlant, parce qu’il va finir par subir les conséquences négatives de cet activisme, mais en attendant, c’est inquiétant. D’autant plus, qu’une fois Hachette acquis, on le voit mal, contrairement à Lagardère père et fils, ne pas intervenir dans la gestion des maisons d’édition comme il l’a fait avec ses télés, radios ou supports de presse écrite.
La concentration éditoriale est un phénomène si peu récent, écrivez-vous, que Charles Baudelaire s’en plaignait déjà…
Baudelaire s’était en effet ému, en 1861, du rachat d’une grande maison, la Librairie Nouvelle, par une encore plus grosse, la maison Michel Lévy frères. Mais cela n’allait pas plus loin. Les concentrations ont démarré au XXe siècle avec celle qu’on appelait « la pieuvre verte », soit la Librairie Hachette. Elle pratiquait le capitalisme horizontal mais aussi vertical, détenant des imprimeries, des maisons d’édition, des librairies, le réseau des bibliothèques de gare, etc. Mais à l’époque, cela ne concernait qu’une seule entité, hyper concentrée, les autres maisons d’édition étaient des PME familiales. C’est vraiment après la Seconde Guerre mondiale que ce mouvement a pris forme. Avec trois phases de concentration : une première, de 1946 à 1960, une deuxième dans les années 1980, et une troisième, à partir de 2000, qui atteint maintenant une échelle inconnue.
Dans votre essai vous soulignez qu’Antoine Gallimard (Madrigall) et Vincent Montagne (Média-Participations) ont eu beau jeu de s’opposer farouchement à la fusion Hachette/Editis alors même qu’ils sont à la tête de groupes qui, selon vous, répondent aux mêmes logiques économiques et financières…
Oui, il y a évidemment un double langage. Vous pensez bien que Vincent Montagne, avec les positions que son groupe occupe dans le domaine de la BD, des jeux vidéo, du multimédia, a des ambitions très importantes. Tout comme Antoine Gallimard. Au passage, il faut d’ailleurs souligner une décision qui n’est pas très chic d’un point de vue éthique. Lorsque Madrigall a réorganisé le CDE et la Sodis, ses filiales de diffusion-distribution, ils en ont viré des dizaines d’éditeurs qui, s’ils étaient petits en termes de taille, étaient importants qualitativement parlant !
La levée de boucliers face à la possible fusion Hachette/ Editis et les nombreux départs d’auteurs phare de Fayard (Virginie Grimaldi, Jacques Attali, Alain Badiou…) laissent-ils penser à une fronde durable qui pourrait changer la donne ?
Il est vrai que le départ d’un certain nombre d’auteurs de Fayard est un signal fort. Est-ce-que pour autant ces départs vont être suivis ? Je n’y crois guère. Les auteurs ont besoin d’être édités dans des maisons d’édition qui vont leur offrir une mise en place suffisante en points de vente. S’ils n’ont pas la certitude, en quittant telle ou telle structure, qu’ils en trouveront une autre rapidement, la fronde s’arrêtera. Il faut aussi attendre de voir à quel acheteur Bolloré va vendre ses actions d’Editis. Cela va être déterminant, mais nous n’avons pour l’instant aucune piste.
À l’étranger, existe-t-il des situations d’hyper-concentration comparables ?
Absolument. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les phénomènes de concentration existent par exemple en Chine ou aux États-Unis. Là-bas, on attend d’ailleurs le résultat du procès qui s’est tenu à Washington le mois dernier, opposant le département américain de la Justice au groupe Bertelsmann, propriétaire N° 1 de l’édition Penguin Random House, candidat au rachat de Simon & Schuster. Imaginez que le chiffre d’affaires de Penguin dépasse les 5 milliards de dollars ! Au nom de la loi antitrust, il y a donc eu un procès que la presse américaine a résumé par l’expression « Big five or big for ? ».
Propos recueillis par Pauline Leduc
jeudi 22 septembre 2022 :: Permalien
Publié dans Libération, le jeudi 22 septembre 2022.
Alors que les appétits de croissance de Bolloré dans l’édition bouleversent le monde du livre, deux essais historiques et critiques montrent les dégâts de la concentration sur l’éditorial.
La concentration influe-t-elle sur l’avenir de littérature ? L’OPA de Bolloré contre Lagardère pour récupérer Hachette Livre, numéro 1 de l’édition en France, en plus d’Editis, numéro 2, met depuis un an le milieu de l’édition en effervescence. Même si le magnat breton animé d’un « combat civilisationnel » semble renoncer à son rêve de fusion devant la bronca d’éditeurs, de libraires et in fine le présumé veto de Bruxelles, et annonce vouloir céder Editis pour garder le leader, la menace plane toujours ; et les récents mercatos dans les maisons de son groupe comme la suspension de titres qui pourraient le gêner glacent. Ce n’est pas nouveau, Charles Baudelaire en 1861 pointait déjà les risques de la concentration et de ses cuisines peut ragoûtantes : « Avec l’achat de la Librairie Nouvelle […] la maison Michel Lévy frères devient des plus considérables. On a soulevé à cette occasion une question fort délicate : celle de savoir si, à moins de clause expresse, une propriété intellectuelle peut passer de Pierre à Paul ; si, par exemple, un auteur qui a voulu s’engager primitivement avec M. Bourdillat, le concessionnaire, et non avec M. Lévy, peut, sans être consulté, être vendu à celui-ci par celui-là… » Cent ans après le poète, l’écrivain catholique François Mauriac dénonçait la vente des auteurs de Grasset « sans même être consultés et traités comme un vulgaire cheptel ». Stop Bolloré, le collectif réuni contre les grandes manœuvres de Bolloré, est bien l’héritier de Baudelaire et de Mauriac, dit Jean-Yves Mollier, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris Saclay-Versailles, dans sa Brève Histoire de la concentration dans le monde du livre, petit ouvrage clair et percutant.
Familles
On y trouve l’histoire d’Hachette, « la pieuvre verte », celle du Groupe de la Cité (devenu Editis après des valses incessantes), celle de Media Participations ou encore celle de Gallimard qui faillit être absorbé. Brève histoire… se veut une synthèse effilée et complète des fusions et acquisitions du milieu - de leurs réussites comme de leurs échecs instructifs - qui ont rebattu les cartes dans le monde du livre depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui.
C’est aussi une galerie de portraits des familles et des personnalités, de leur soutien au pouvoir politique, de leurs compromissions, de leurs déroutes et de leurs découvertes. L’essai de Jean- Yves Mollier, qui paraît judicieusement au moment d’une énième tempête dans l’édition, montre que la concentration n’est pas un phénomène récent mais elle « s’est considérablement renforcée après 1945 avant de changer de nature après 1980 ». Certaines concentrations, note- t-il d’ailleurs, soulèvent moins d’objections que d’autres selon ceux qui opèrent.
La logique financière s’est substituée à la logique industrielle, les entreprises familiales à croissance horizontale ont laissé place au monopole des conglomérats de médias avec pour credo la rentabilité, comme l’avait observé, dès 1999, le grand éditeur américain André Schiffrin dans L’Édition sans éditeurs (La Fabrique). Fils du fondateur de la Pléiade, longtemps directeur de Pantheon Books, ses analyses sur ce que le libéralisme a causé au marché du livre sont plus que jamais d’actualité. Hélène Ling et Inès Sol Salas, agrégées de lettres, enseignantes et autrices, se réfèrent aussi largement à Schiffrin dans Le Fétiche et la Plume. Leur livre incisif, très critique, se situe dans la continuité des travaux de Walter Benjamin, Jean Baudrillard, Frédéric Jameson et Mark Fisher (Le Réalisme capitaliste, Entremonde, 2018) et décrit /décrie aussi l’hyperconcentration. Leur essai réalise une agrégation brillante des observations, statistiques, études sociologiques, écrits divers et nombreux exemples, liés à la transformation du marché du livre au temps du « capitalisme tardif ». Il vise à montrer « comment le champ éditorial est remodelé dans ses structures, dans son offre et dans sa réception par les logiques capitalistes, et comment, de fait, le livre s’y trouve malgré lui redéfini en marchandise, l’écrivain en produit d’appel ». C’est un tableau très sombre, où rien ne semble épargné même l’activité gratuite de plaisir qu’est la lecture, domaine « improductif » en train d’être capté dans « la guerre économique de l’attention ».
Covid
La surproduction livresque n’est pas non plus nouvelle, Émile Zola se plaignait déjà du trop de parutions dans L’Argent et la Littérature (1880). Mais le nombre de livres a explosé. Fait notable d’après Covid, le nombre de manuscrits a bondi à 60 % de plus en 2021 par rapport à 2019. Hélène Ling et Inès Sol Salas parlent d’un temps « tabulaire » de la littérature, qui suggère le turn-over, le streaming, l’accélération des processus. Paradoxalement, dans cet univers pléthorique, on lit moins qu’avant et les livres se vendent à de moins en moins d’exemplaires. Les prix littéraires créés pour renforcer la stature de l’homme de lettres face à l’économique ont été « récupérés depuis longtemps par les impératifs du marché », au point qu’il en existe aujourd’hui plus de 2 000, augmenté de 200 chaque année. Et sont devenus des outils de marketing pour des entreprises, des institutions, la grande distribution et les médias. Autre grand constat, une peopolisation de l’écrivain « proxénète et prostitué ». Depuis la fin du XIX siècle, il ne se consacre plus seulement à faire œuvre, mais il est entré dans le champ de l’activité au sens large, se mettant en scène, se démultipliant dans des ateliers, des rencontres, des concerts. Davantage intégré dans l’économie du livre, il est de fait - encore un paradoxe - constate Le Fétiche et la Plume, « reprolétarisé à l’intérieur même du système productif ». Sur les textes eux-mêmes, l’ouvrage n’est pas plus tendre : standardisation des écrits avec la mode venue des États-Unis des ateliers d’écriture, primauté au sujet sur la littéralité des textes, « esthétique infrakitsch » qui recycle le répertoire des formes antérieures « de la nostalgie du style pompier à l’académisme de la trivialité ». Pourquoi « le fétiche » ? Parce que « la plume de l’écrivain, métonymie archaïque, pourrait bien devenir le fétiche du sujet contemporain en voie de disparition ». Salutaire, astringent, alarmiste, Le Fétiche et la Plume croit possible une renaissance de la littérature.
Jean-Yves Mollier, Brève Histoire de la concentration dans le monde du livre, Libertalia, 163 pp., 10 €.
Hélène Ling et Inès Sol Salas, Le Fétiche et la Plume. La littérature, nouveau produit du capitalisme, Rivages, 414 pp., 22,50 €.
Frédérique Roussel
mercredi 21 septembre 2022 :: Permalien
Publié dans La Scène, automne 2022.
« Bientôt des États généraux des violences sexistes et sexuelles. »
Vous annoncez la publication d’un ouvrage produit par le collectif. Comment est-il né ?
Agathe Charnet : Nous avions fait un appel à textes pour le rassemblement du 7 octobre. Nous nous sommes rendu compte qu’ils avaient une vraie force et un sens lorsqu’ils étaient rassemblés. L’idée d’un ouvrage a émergé et les éditions Libertalia l’ont accueilli très rapidement.
Avez-vous le sentiment d’être écoutées ?
Sephora Haymann : C’est très partagé. Nous avons des alliés très forts, mais nous nous heurtons souvent à des résistances, souvent pour des raisons affichées comme étant humanistes, au détriment d’une autre forme de justice. Il y a là une opposition des morales que l’on retrouve d’ailleurs dans l’ouvrage. Je ne sais pas si le milieu est assez à l’écoute. En tout cas, il n’est pas assez conscientisé. Il reste beaucoup de travail. La question n’est pas de savoir si nous sommes suffisamment entendues, mais plutôt de savoir quand tout cela va bouger.
Les choses bougent réellement ?
Agathe Charnet : Quand on écoute qu’on lit Reine Prat, elle est assez catastrophée par la lenteur des évolutions. Tous les mouvements féministes le disent aujourd’hui. À ce rythme, il nous faudrait mille ans pour atteindre l’égalité salariale. Évidemment, les consciences changent. Mais, on le voit partout, aux Etats-Unis comme ailleurs, les mouvements de backlash, réactionnaires, se structurent. Les avancées existent, mais vraiment a minima.
La nouvelle génération de directeurs et directrices vous semble-t-elle plus sensible que celle de ces prédécesseurs ?
Sephora Haymann : La problématique est systémique, elle n’est pas personnelle. Les individus qui portent l’institution sont tributaires de celle-ci. Et l’institution porte en elle-même cette problématique structurelle. Au moment où l’on arrive dans l’institution, on se retrouve confrontés à un cahier des charges et donc à une structure intrinsèquement inégalitaire, d’un point de vue de la justice, des moyens accordés. Si on est presque à la parité pour les directions dans les CCN, les moyens de production octroyés aux femmes y restent bien inférieurs de 50% de ce qu’ils sont pour les hommes.
Agathe Charnet : Nous ne sommes pas dans une rupture avec l’institution. Nous-même sommes des artistes et faisons partie de l’écosystème théâtral. #MeTooThéâtre, ce n’est pas notre métier. C’est très important de la dire. Aujourd’hui, il nous faut réfléchir collectivement au sein de cet écosystème pour parvenir à le transformer. Notre priorité, ce sera le lancement cette saison des États généraux des violences sexuelles et sexistes au sein de l’institution, financés par l’institution. Nous sommes en lien avec plusieurs théâtres sur cela. Nous aimerions faire une journée pilote, puis en voir d’autres reprises et organisées en région. Toutes doivent s’y exprimer, quelle que soit sa place dans l’écosystème. Il nous faut des outils pour gérer ces situations. Nous n’en avons pas, et encore moins en compagnie.
Sephora Haymann : Nous envisageons aussi de monter un spectacle, avec le collectif, pour s’interroger sur l’endroit où se croisent l’artiste et le militantisme. À quel endroit est-ce efficient ? C’est un projet pour une échéance pas trop lointaine, probablement la saison prochaine. Il faut que notre réponse soit aussi artistique.
Propos recueillis par Cyrille Planson
jeudi 15 septembre 2022 :: Permalien
Publié dans L’Humanité du 8 septembre 2022.
Spécialiste de l’édition, du livre et de la lecture, l’historien Jean-Yves Mollier est l’auteur de nombreux ouvrages depuis trois décennies. Il poursuit son travail de lanceur d’alerte sur les évolutions les plus récentes en les inscrivant dans la trajectoire de la modernité éditoriale. « Puisque le contrôle de la parole semble bien inclus dans le projet de Vincent Bolloré de posséder à la fois le numéro un de l’édition, Hachette, qui pèse 2,6 milliards d’euros de chiffres d’affaires et Editis, qui a dépassé 800 millions en 2021, il est nécessaire de remonter à l’origine des phénomènes de concentration pour y mettre à nu les logiques qui sous-tendent cette stratégie. »
Pierre Chaillan