Éditions Libertalia
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mercredi 22 juin 2016 :: Permalien
Les Fils de la nuit dans Le Canard enchaîné du 22 juin 2016.
Dans Les Fils de la nuit (Libertalia), l’ancien franc-tireur libertaire Antoine Gimenez raconte sa guerre d’Espagne : la vie, la mort, l’anarchie, l’espoir, les femmes. Épastrouillant.
Pourquoi ce livre fascine-t-il autant ? Parce qu’il est terriblement vivant. Parce que l’auteur a un ton qui n’appartient qu’à lui, vif, très concret, mais comme détaché. Il faut dire qu’il n’a raconté ses souvenirs qu’en 1974-1976, soit près de quarante ans après les faits. De son vrai nom Bruno Salvadori, il n’est, selon ses dires, qu’un jeune Italien révolté, « qui vit en marge de la société et du Code pénal », quand il s’engage en 1936 dans la Colonne Durruti sur le front d’Aragon. Il y intègre un groupe de volontaires internationaux, bien avant la création des brigades internationales.
Des scènes les plus fortes de ses trois années dans une unité de francs-tireurs, il livre un récit précis, vif et sans fioritures, sans frime et sans tabous. S’il s’agit avant tout d’un livre de guerre, avec coups de main, patrouilles, missions de reconnaissance, actes héroïques, horreurs, c’est d’une guerre bien particulière qu’il est question. Une guerre menée par des anars qui veulent non seulement tenir bon face à l’offensive des troupes franquistes, mais bâtir un monde nouveau, ici et maintenant.
Dans les villages, on s’organise en collectivités paysannes et ouvrières. Les femmes aident et soutiennent les combattants. Lesquels parlent politique, citant Kropotkine, Reclus, Pietro Gori. Et ce ne sont pas des mots et des idées en l’air, mais des idéaux concrets qu’ils essaient de faire vivre. On ne rigole pas avec les principes : « Durruti était intransigeant. Il avait fait fusiller le responsable d’une centurie, Carrillo, militant de la FAI, parce qu’il avait gardé des bijoux qu’il avait offerts à sa compagne », bijoux saisis chez une personnalité de Barcelone, qu’il aurait dû remettre au syndicat.
Des amitiés naissent, et des amours, intenses et sans lendemain, car la mort fauche chaque jour à grandes brassées. Corps qui tombent, corps qui exultent… L’Italien Gimenez est un grand amoureux : Madeleine, Mimosa, Augusta, la Nina… Il raconte le libre jeu du désir, les enflammements : « Nos bouches s’unirent, elle me chevaucha. Son corps était chaud et sentait la lavande. » Il évoque des scènes qui le hantent encore, et nous hanteront. Ainsi Maria, nue sur le seuil des adieux après une nuit d’étreintes, qui a ces fières paroles : « Regarde, je ne sais si je suis belle, mais tu l’as dit et je veux le croire. Nous ne nous verrons peut-être plus. Souviens-toi de moi telle que je suis, moi je ne t’oublierai jamais. »
Deux camps : « Hommes en face d’autres hommes, les uns défendant des principes, des idées, des croyances vieilles de plus de deux mille ans… les autres se battant pour que l’ignorance, l’exploitation de l’homme par l’homme, les privilèges de classe disparaissent, pour que la Justice, la Liberté, l’Égalité, l’Amour règnent enfin sur l’humanité entière. » En Espagne, le camp des idéalistes a fini par perdre, on le sait. Gimenez, après la terrible retirada de 1939, s’installa à Marseille, où il finit ses jours, en 1982, peu après avoir rédigé ce précieux témoignage.
Lequel possède de telles vertus, débroussaille à ce point les cerveaux, éclaire si bien ce qui fut l’une des plus hautes expériences libertaires jamais menées, qu’il a connu un drôle de destin. De doux dingues anarchistes s’en sont embéguinés au point de se proclamer « giménologues ». Se lançant dans une enquête sans fin sur ces Mémoires, ils ont accumulé mille analyses historiques, notices biographiques, documents de toutes sortes. Résultat : accompagnant le livre de Gimenez, un volume de notes qui compte près de 1 000 pages, dans lesquelles on peut se promener à loisir des heures durant. De quoi détromper ceux pour qui le mot « anar » rime avec « flemmard »…
Jean-Luc Porquet
mercredi 22 juin 2016 :: Permalien
Chronique parue dans Le Canard enchaîné du 22 juin 2016.
« Enfin, on respire ! » Ainsi s’ouvre ce recueil de quatre articles, publiés entre juin et octobre 1936 par une certaine Simone Weil après la victoire du Front populaire.
Jeune philosophe en rupture de ban, cette dernière s’y déclare enthousiasmée par les grèves et occupations d’usine. Son constat ? « Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. » Elle qui a choisi de délaisser les honneurs académiques pour travailler à la chaîne auprès des ouvriers est bien placée pour en parler : « Il s’agit, après avoir tout encaissé en silence pendant des années, d’oser enfin se redresser. » Elle se doute que tout cela n’aura qu’un temps, pressentant les lendemains qui déchantent. Reste pourtant cet espoir immense, éminemment touchant, qui habite ce court recueil opportunément réédité. Et si, pour une fois, demande-t-elle, cette étincelle n’était pas qu’un « sursaut de dignité » ?
E. B.
samedi 11 juin 2016 :: Permalien
Jean-Pierre Levaray était l’invité de l’émission Un Livre un jour du 3 juin 2016 sur France 3 : www.france3.fr/emissions/un-livre-un-jour.
vendredi 10 juin 2016 :: Permalien
Recension de Grèves et joie pure (Simone Weil), parue dans Le Monde des livres du 10 juin 2016.
Drôle d’anniversaire pour le Front populaire. Il y a loin, en effet, des moroses réalités contemporaines et du bras de fer tendu autour de la « loi travail » aux espoirs et aux réalisations d’il y a quatre-vingts ans, au printemps 1936 : alors, un gouvernement de gauche engageait et assumait d’ambitieuses mesures de transformation sociale, à la fois revendiquées et rendues possibles par une vague de grèves sans précédent. Occupations d’usines, gains salariaux, congés payés, réductions horaires et conventions collectives caractérisaient cette rare séquence émancipatrice, d’une intensité presque impensable aujourd’hui.
Il faut toutefois se garder de mythifier la période, d’oublier ses aspérités et ses ambiguïtés en s’en tenant aux photos rassurantes de grèves festives, tout en sourires et en accordéons. Pour dépasser de telles images, rien ne vaut un retour aux sources, même les plus connues. Ainsi, la réédition des articles de la philosophe et militante Simone Weil (1909-1943) consacrés aux grèves de 1936 est-elle opportune. C’est forte d’une expérience directe du travail en usine qu’elle décrivait la « joie pure » des grèves, de ce moment où la classe ouvrière pouvait « oser enfin se redresser » et affirmer sa dignité.
Mais, à côté de ces passages très souvent cités, on dit plus rarement que Simone Weil n’était jamais dupe de son propre lyrisme : « La joie de la victoire ne doit pas faire oublier que la situation est tragique. » En donnant accès à deux articles moins connus d’août et d’octobre 1936, le volume montre les inquiétudes de cette observatrice engagée quant à la mise en œuvre concrète des promesses de juin 1936, des accords Matignon et des lois leur faisant suite, en l’absence notamment de salaire minimum.
André Loez
jeudi 9 juin 2016 :: Permalien
Véronique Decker participait à l’émission Les pieds sur terre du 9 juin 2016, sur France Culture.
« Les Pieds sur scène #4 au Centre Pompidou (2/2).
À l’occasion du week-end « Imagine » organisé par France Culture, ils viennent raconter, sur scène, une expérience qu’ils ont vécue. »