Éditions Libertalia
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mardi 8 décembre 2015 :: Permalien
L’OURS, novembre 2015.
Terrible et très bel ouvrage que viennent de réaliser les éditions Libertalia. Il s’agit du journal, tiré des notes et des photographies d’un médecin militaire, Léon Collin, affecté au transport des condamnés.
Au début du XXe siècle, l’homme parcourt le monde et accompagne les déportés en Guyane et en Nouvelle-Calédonie entre 1906 et 1913. L’effroi est l’impression qui ressort de la lecture de son passionnant témoignage. L’ouvrage, fort bien introduit par Jean-Marc Delpech, le meilleur spécialiste d’un célèbre bagnard, l’anarchiste-cambrioleur Marius Jacob, souligne l’inhumanité des pratiques répressives dans les terres lointaines. S’ensuit le journal de bord dans lequel s’entremêlent portraits de bagnards, description des conditions de voyage à bord du paquebot La Loire. Apparaît ainsi Roulin, écrivain cambrioleur, paralysé des bras et malgré tout envoyé à l’autre bout du monde. Après, succèdent les notes sur la Guyane, l’alimentation, les fortes têtes et les résistants au système, comme Jacob Law, l’anarchiste adepte du browning, et les Apaches et autres auteurs de larcins condamnés aux travaux forcés. Les photos qui accompagnent le journal renforcent encore l’aspect tragique et inhumain de l’enfer qui attendait ces forçats.
Sylvain Boulouque
mardi 8 décembre 2015 :: Permalien
Paru dans L’OURS, novembre 2015.
Culture rock.
C’est l’histoire d’une génération de groupes de rock alternatif, tous disparus à la fin des années 1980, car aucun d’entre eux – sauf un – n’a voulu rentrer dans le système des maisons de disque. C’était le temps où les boîtes à rythme imprimaient le son aux guitares. L’auteur a repris l’histoire du groupe en réunissant et en interviewant l’ensemble des protagonistes qui pendant quelques années ont partagé une vie faite de concerts, de fanzines, d’affrontements avec les nervis du FN.
Nuclear Device est un groupe manceau fondé en 1982 par quelques jeunes passionnés de musique et fortement influencés par la contre-culture radicale du tournant des années 1980. La scène musicale underground était alors en ébullition. Ce groupe de province, selon les mots des acteurs, jouait dans une ville qui était un désert culturel. Il a réussi à fédérer autour de lui toutes les énergies pour donner au total quelques albums et un paquet de concerts au message politique explicite, soutenant les insoumis, les immigrés, les Kanaks. Leurs chansons reprennent, sur de classiques versions rock, des chansons de la Résistance et des textes engagés de la décennie 1980. Que l’on peut écouter ou réécouter avec nostalgie, le CD accompagnant cet album « ne pouvant être volé séparément ».
Sylvain Boulouque
mardi 8 décembre 2015 :: Permalien
Entretien avec Claude Guillon publié dans Silence (novembre 2015).
Cela fait vingt-cinq ans que le plan Vigipirate a été créé ; quel est son rôle dans le dispositif « antiterroriste » ?
Il est difficile de dater précisément ce genre de système. Il a été activé une première fois pendant quatre mois, en 1991, durant la guerre du Golfe, puis de nouveau en 1995. Il comporte quatre niveaux d’alerte, depuis 2003. C’est, au sens strict, la partie visible par la population d’un iceberg de plus en plus pesant — celui-là ne fond pas ! — qui est surtout constitué d’un arsenal judiciaire sans cesse renforcé au fil des années.
De mandat d’arrêt européen en loi sur le renseignement, de LSQ en Loppsi, de DGSI en Frontex, bien malin qui saurait retenir tous les sigles et s’y retrouver dans le fatras de textes qui s’accumulent, et se contredisent parfois, surtout depuis 1986 et la nouvelle définition du terrorisme. C’est-à-dire : tout et n’importe quoi, selon le bon vouloir des policiers et des juges, ce que l’on désigne pudiquement comme un élément « subjectif ». Après le 11 septembre 2001 l’Union européenne a clarifié la dimension politique et sociale de la définition en listant comme éventuellement « terroriste » l’intégralité des moyens d’action des mouvements sociaux : manifs, occupations, etc. Ces textes sont mal connus du grand public, que Vigipirate est supposé « rassurer », et qu’il habitue à une présence militaire généralisée. Ajoutons que la dénomination de ce plan est cocasse ; il y a quelques années, un slogan le renvoyait à ses références idéologiques naturelles : « Ils sont Vichy, soyons pirates ! »
Vous avez, dans un livre de 2009 critiqué ce système comme instituant une « terrorisation démocratique ». Une explication ?
L’anglicisme assumé qui fait le titre du livre désigne ce qui me paraît être la fonction principale de ce système, autrement dit la stigmatisation et l’intimidation de « catégories dangereuses » : le terroriste, au sens traditionnel, l’étranger (avec ou sans papiers) et le jeune. Ces deux derniers groupes étant supposés délinquants par nature. On l’a vérifié de manière tragi-comique après les tueries de janvier 2015, quand on a arrêté des gamins à l’école, des gens qui s’étaient moqué des flics dans la rue, deux adolescentes qui portaient une pancarte « J’aime mon prophète »… Ce ne sont pas, ou plus, des mesures de circonstance, mais un mode de gestion pénale et politique de la société, et un préservatif contre la radicalisation des révoltes : grèves, mouvements de la jeunesse ou du type « Occupy ».
Pourquoi cet état d’exception permanent est-il si peu contesté ? Quelles résistances inventer ?
Il est frappant de constater, en effet, que les réactions diminuent d’intensité et sont donc inversement proportionnelles au durcissement des lois et des pratiques policières. C’est sans doute en partie dû à ce que ce raidissement est le fait aussi bien des gouvernements de « gauche » que de « droite ». On l’a constaté lors de la mise en place de l’état d’urgence, en 2005, une première depuis la guerre d’Algérie ! qui n’a suscité que des réactions minimalistes et embarrassées, y compris à l’extrême gauche. J’ai republié dans mon dernier livre, Comment peut-on être anarchiste ? (Libertalia, 2015), un texte de présentation de l’Assemblée de Montreuil qui a organisé à l’époque des manifestations, sans autorisations, dont une en plein Paris, la nuit du réveillon. La preuve que les marges de liberté se réduisent d’autant plus qu’on ne les occupe pas… Surveillance et manipulations policières ne sont pas une fatalité écrasante à la Big Brother. Les inculpé(e)s de l’affaire de Tarnac l’ont prouvé, et récemment les animateurs de la bibliothèque anarchiste La Discordia (Paris XXe), qui ont repéré, enlevé et balancé dans le canal un dispositif de surveillance installé dans l’école d’en face. Humour, action directe et désobéissance civile doivent se conjuguer pour résister, matériellement et psychologiquement, à la terrorisation.
mercredi 2 décembre 2015 :: Permalien
En ces temps d’état d’urgence, où l’arsenal juridique renforcé et la surenchère sécuritaire permettent aussi d’étouffer toute contestation sociale, nous avons décidé de rendre librement accessible l’étude rédigée par Claude Guillon en 2009. Pour ceux qui préfèrent le papier, l’ouvrage est encore disponible.
jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien
Dans Ouest-France, 10-11 octobre 2015
« Nuclear Device, c’était une bande de gens qui se sont agrégés les uns aux autres, parce que c’était rassurant et qu’on se sentait tous révoltés. » Témoignage d’Aline, une copine. Nuclear Device, groupe punk rock né au Mans en 1982, a marqué une époque et pas mal de gens.
Dans un livre sorti la semaine dernière, 45 révolutions par minute, les musiciens se retrouvent vingt-six ans après la dissolution du groupe. Le bouquin, qui inclut un CD de 20 titres, se lit comme on écoute une conversation.
Les musiciens, les piliers comme ceux de passage, échangent leurs souvenirs entre eux ou avec leurs proches. Chacun avec ses mots. Ça sonne juste, vrai et cru. La discussion ne se limite pas à un retour sur les concerts ; elle se concentre sur la vie des musiciens, leur jeunesse, leurs engagements, leur envie d’alternatif. Le tout dans un contexte social et politique que des doubles pages rappellent de manière concise, année après année.
Le bouquin est dédié à André Lecouble, le père de Christian, batteur de Nuclear Device. Alors que son fils et ses copains d’école, les deux frères Carde, entreprennent à 18 ans de monter un groupe, ce monsieur aujourd’hui décédé les accompagne dans les salles de répèt, à la MJC d’Allonnes, leur donne des coups de main, les prend en photo. Il veille sur eux, tout en discrétion. Nous sommes en 1982, à l’époque d’AC/DC, des Clash, de Téléphone ou de Trust, des Stranglers (« Nuclear Device, ça vient d’eux ! »).
Christian, Pascal et Patrick Carde, fils d’enseignants et militants communistes, se mettent à jouer. La musique, ils connaissent. La technique, un peu moins. Mais ils ont des choses à dire. Rien de poétique, dira Pascal, plutôt du politique.
Les tournées, les conneries, les filles, les skins menaçants, le départ de Patrick et la mort annoncée du groupe… Ils racontent tout. Avec autodérision parfois, avec tendresse souvent, pour ces jeunes gens bourrés d’énergie, enivrés d’idéaux. Des fonceurs.
Christian est devenu Tian l’artiste plasticien, Pascal Carde et Chema (José Vega) ont créé leurs boîtes.
Florence Lambert