Le blog des éditions Libertalia

Cinq ans de métro sur StreetPress

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Sur StreetPress, 18 mai 2018.

Pour échapper aux patrons, Fred Alpi décide d’aller chanter dans le métro. De ses souvenirs, il tire Cinq ans de métro, un roman autobiographique publié aux éditions Libertalia.

Le rendez-vous est donné aux Parigots, anciennement baptisé Café des Syndicats. C’est là que les militants de la Bourse du travail viennent se rafraîchir. Un univers qui parle à Fred Alpi, lui qui a longtemps été compagnon de route de la CNT. Au début des années 2000, il écrit pour le fanzine Barricata avec Nicolas Norrito, son ami qui a fondé en 2007 les éditions Libertalia. C’est grâce à cette petite maison libertaire que Fred Alpi a sorti, jeudi 3 mai, son premier roman autobiographique, inspiré de son quotidien de chanteur dans le métro entre 1991 et 1996. Sur l’appli calendrier de son smartphone, il a programmé un rappel, comme s’il pouvait oublier la date de sortie de Cinq ans de métro, son bouquin.
S’il se lance, guitare en bandoulière, un après-midi de février 1991, à la station Châtelet, c’est d’abord pour « fuir le salariat », qu’il vient d’expérimenter en tant que rédacteur-traducteur dans une agence de pub. Une boîte qu’il rejoint par obligation : il est « criblé de dettes ». Il subit les « 70 heures par semaine » et le « harcèlement sexuel  » de son patron, avant de claquer la porte. « Je n’ai jamais supporté la relation hiérarchique : c’est physique », explique le quinquagénaire, chemise noire, ses cheveux bruns plaqués en arrière et ses deux anneaux accrochés à l’oreille gauche. Dans le métro, pas de patrons, pas d’horaires fixes. Une activité qui lui rapporte près de 1 200 euros par mois : « Ça me permettait de payer le loyer, j’avais de quoi manger. »
Dans les rames, équipé de sa guitare acoustique, le chanteur a un poste privilégié pour observer les comportements qui traversent la société et qui, en sous-sol, se retrouvent « exacerbés  ». Il décrit les « frotteurs » ou le « manspreading » déjà à l’œuvre au début des années 1990 : « Ça a été une grande surprise à l’écriture du livre. Je me suis dit que tout ce qu’on vivait aujourd’hui existait déjà à l’époque. Sauf qu’aujourd’hui, c’est pire, et c’est assumé avec cynisme. »
Alors, le chanteur offre aux voyageurs un moment de réconfort, provoquant parfois quelques rires. Il alterne les textes romantiques de Jacques Brel ou d’Édith Piaf avec des titres plus engagés, comme ceux de Léo Ferré ou Georges Brassens. C’est à travers l’auteur de L’Auvergnat qu’il découvre la chanson française, à 12 ans. C’est aussi grâce au chanteur moustachu, qui signait dans les colonnes du journal de la Fédération anarchiste sous le pseudo de Géo Cédille, qu’il se prend d’amour pour les idées libertaires : « Il a toujours eu un discours contre l’État, les flics, les patrons, les curés, d’une façon poétique et drôle. »
Il raconte aussi les agissements « fascistes », dit-il, des vigiles de la RATP dont il croise la route. Ces « voyous avec accréditation », comme il les décrit, sont recrutés pour « faire abstraction de toute morale » et mettre dehors les sans-abri qui fuient le froid de la rue et les chanteurs qui, comme lui, outrepassent la loi. Car chanter dans les wagons est une activité illégale, aujourd’hui en voie de disparition : « À l’époque, c’était possible. En cinq ans, j’ai eu trois amendes de 400 francs, ça faisait une journée de boulot. Aujourd’hui ça n’est plus possible. Les vigiles sont armés, la RATP a décidé que le métro devait être un lieu aseptisé. »
En 1996, il stoppe ses tournées de reprises dans le métro pour se consacrer à ses propres créations. Une parenthèse refermée, qui lui a permis de rencontrer des profils aussi disparates qu’un montreur de marionnettes, un trio de chanteuses jazz américaines, un ancien militaire devenu sans-abri : « Quand j’ai commencé, j’avais juste envie qu’on ne m’emmerde pas. J’étais un anarchiste individualiste. Et puis j’ai compris que je ne m’en sortirais pas tout seul, ça a développé chez moi une vraie conscience collective. »
Depuis, Fred Alpi a eu mille vies. Prof de kung-fu, chanteur de post-rock avec son groupe The Angry Cats ou de chanson française en solo, traducteur de bouquins pour les éditions Libertalia. Et désormais écrivain. Mais toujours sans patron. Trois jours plus tôt, il donnait dans le centre de Montreuil sa première « lecture-concert », avant une tournée à travers la France. Devant une foule de trentenaires vêtus de noir, le chanteur ponctue des extraits de son bouquin de reprises de monuments de la chanson française mais aussi de compos inspirées du roman. Une manière pour lui de revivre ces « cinq ans de joie » sur les rails parisiens.

Timothée de Rauglaudre

Plus vivants que jamais dans Le Combat syndicaliste

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Le Combat syndicaliste, avril 2018.

Émeutes, émotions, émancipation :
Plus vivants que jamais

Témoignage à chaud de quelques semaines des mois de mai et juin 1968 parisiens, certes, mais Plus vivants que jamais est aussi plus que ça. Les occupations, les barricades, les flics, le Quartier latin, les camarades, la course, l’urgence, les médias, De Gaulle, Cohn-Bendit, les espoirs et les trahisons, le PC, la CGT, les maos, les trotskos, les CAL, etc., mais aussi de la lucidité : « Peu à peu les choses nous échappent. Nous avons donné le coup d’envoi et, comme il est naturel, comme nous l’espérions, la classe ouvrière prend le relais. Un relais autrement dangereux pour le régime. » Et puis au détour d’un récit haletant, presque par hasard, on trouve des « c’est fou ce qu’on apprend la vie, ces temps-ci ». Quand on a vingt ans et qu’on vit un mouvement social comme ça, forcément, ça aide, ça pose. L’alors ex-étudiant et futur poète éclatant Pierre Peuchmaurd raconte sans fard l’intensité de ces journées : phrases courtes et percutantes, poésie émeutière, pour l’essentiel, mais aussi quelque part description d’un rite de passage vers ce qu’il nomme « maturité ». Tout a changé, pendant ce mouvement, les gamins qu’ils étaient comprennent qu’on ne joue plus. « Nous nous sommes retrouvés » – avec eux-mêmes, en eux-mêmes. Mai 68 n’était pas que la révolte adolescente contre le père, loin s’en faut, mais ce n’était pas non plus un mouvement social et politique abstrait sans aucune incidence psychologique sur et de la part des gens de l’époque, et plus encore ceux qui y ont directement participé. Plus vivants que jamais illustre parfaitement le fait que la lutte permet aussi de gagner quelque chose pour soi, et ça c’est incommensurable.

Bastien SIPMCS

Cinq ans de métro sur Among the Living

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

http://amongtheliving.fr/fred-alpi-5-ans-de-metro — 29 mai 2018.

Tranche de vie d’un artiste au rock bien chevillé au corps, Cinq ans de métro revient sur l’expérience suburbaine de Fred alpi, aujourd’hui chanteur et guitariste du groupe The Angry Cats.
Entre portraits au vitriol de nos contemporains et analyse fine et libertaire du comportement des usagers, Fred Alpi propose ici un livre dans lequel on se laisse happer sans résistance. Truffé d’anecdotes faisant parfois sourire mais mettant souvent en exergue la dureté de la vie et ses trajectoires tortueuses. On marche dans les pas de l’auteur sur les quais noirs du métro parisien où la détresse côtoie la routine de millions d’usagers, la plupart hermétiques à leur environnement immédiat.
Durant cinq ans l’auteur a chanté, au gré des lignes du métropolitain, des classiques de la chanson française, de Dutronc à Brel en passant par Gainsbourg et Piaf, cassant la monotonie du transport. Spectateur des transformations réglementaires de la RATP au fils d’élections successives, subissant les nouvelles tendances souvent sécuritaires d’une société en mutation qui normalise tout, l’auteur nous brosse un portrait de la France des transportés et des laissés pour compte, coexistant en s’ignorant le temps d’un déplacement et d’une chanson.
Découpé en 17 chapitres portant tous le titre d’une chanson, Cinq ans de métro couvre les années que Fred Alpi a passé dans le métro à partir de 1989, à son retour de Berlin. Un quotidien vital à plus d’un titre pour lui, qui s’est juré de ne plus avoir de patron à qui se subordonner, à ne rien devoir qu’à lui-même. À travers ce récit captivant, l’auteur réussit à me replonger, avec un œil juste, dans une époque que j’ai bien connue en empruntant quotidiennement l’asphalte des méandres du métro. Les comportements n’ont pas vraiment changé aujourd’hui et chacun y retrouvera des situations qu’il a déjà connu. Une bien belle plongée dans un univers vu de l’autre côté de la guitare et avec de vraies valeurs. Bravo !

Stéphane Birlouez

Souvenirs d’une morte-vivante dans Le Monde diplomatique

vendredi 6 juillet 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Souvenirs d’une morte-vivante, dans Le Monde diplomatique, décembre 2017.

Publiés anonymement en 1909 grâce à l’aide de l’écrivain Lucien Descaves et réédités en 1976 par François Maspero, les souvenirs de Victorine Brocher (1839-1921) vont de la révolution de 1848 au lendemain de la Commune de Paris, quand elle est contrainte à l’exil. Fille d’un ardent républicain exilé en Belgique après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, elle fait partie de ceux pour qui « république était un mot magique » – une république sociale, qui passe par l’engagement dans l’Association internationale des travailleurs (AIT). Cantinière et ambulancière dans un bataillon de fédérés durant la Commune, elle fait preuve d’une fidélité à toute épreuve, mais n’est pas dupe des faiblesses de son camp : « Il ne suffit pas de triompher, écrit-elle après le 18 mars 1871, il faut savoir garder le terrain conquis. » Condamnée à mort pour l’incendie de la Cour des comptes, auquel elle n’a pas pris part, elle sait à quoi s’en tenir des calomnies déversées sur les communards. Dans une langue simple, elle veut avant tout témoigner afin d’« encore rendre quelques services aux vaincus ».

CJ

Histoire des suffragistes radicales dans Le Monde des livres

vendredi 18 mai 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Le Monde des livres, 17 mai 2018

Féminisme :
quand les ouvrières britanniques lançaient la bataille

Elles s’appelaient Esther Roper, Eva Gore-Booth, Sarah Reddish, Sarah Dickinson, Selina Cooper et Ada Nield Chew. Avec elles, derrière elles, des dizaines de milliers de tisseuses et de bobineuses dans ce haut lieu de la production textile que fut le Lancashire, la région de Manchester, au nord-ouest de l’Angleterre, tout au long du XIXe siècle et des premières décennies du XXe siècle. Cumulée à d’autres facteurs d’évolution, leur lutte opiniâtre a abouti à la conquête du suffrage féminin en Grande-Bretagne, d’abord limité aux femmes de plus de 30 ans (1918), puis étendu aux mêmes conditions que pour les hommes – dès 21 ans (1928). Les historiennes britanniques Jill Liddington et Jill Norris ont ressuscité le combat de ces suffragistes dès 1978 dans un ouvrage devenu un classique outre-Manche. Ce récit vivant et empathique, Histoire des suffragistes radicales, est désormais accessible en français.
Les auteures ont utilisé une importante documentation, parfois dénichée dans de modestes bibliothèques locales et dans des archives familiales. Elles ont également recueilli de précieux témoignages oraux de filles de certaines de ces militantes. Pour le lecteur de 2018, le livre se lit dès lors comme la mise en abyme de deux temps du féminisme : celui des actions pionnières de la fin du XIXe siècle, objet du livre, mais aussi celui de ce « combat oublié » qui se poursuit dans les années 1970, et dont témoigne l’enquête des deux Jill.
Que dire en outre des échos très contemporains du livre, à l’heure où le partage des tâches domestiques reste très inégalitaire ? Le titre original du livre – « Une main liée derrière le dos », tiré de l’autobiographie d’une suffragiste – exprime bien la difficulté à porter ce combat tout en étant contrainte de gagner sa vie à l’usine et de continuer à porter la charge de la famille. L’un des apports fondamentaux de l’ouvrage est là : remettre ces militantes ouvrières de la cause des femmes sur le devant d’une scène bruyamment occupée par les suffragettes, d’extraction plus bourgeoise et aux méthodes plus spectaculaires. On ne peut qu’être reconnaissant à Fabrice Bensimon, professeur d’histoire britannique à la Sorbonne, inlassable passeur, et aux éditions Libertalia de nous permettre de vibrer de nouveau avec ce combat.

Pierre Karila-Cohen