Éditions Libertalia
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jeudi 24 mars 2022 :: Permalien
Publié dans Télérama Sortir n° 3767, 23 mars 2022.
LU ET APPROUVÉ
« Poussières d’or. Rock’n’roll angels »
Raphaël Rinaldi est un photographe qui documente la scène rock underground et organise des concerts dans des bars montreuillois. Sa sensibilité « rock’n’rollienne » est aussi poétique qu’électrique. La preuve avec ce beau livre qui fait s’envoler des musiciens transformés en anges, équipés d’ailes en cordes de piano. Ils posent sur les toits de Paris, notamment celui du cinéma Louxor, où les photos sont exposées. Les textes sont signés Baudelaire ou Dominique A et sont mis en musique, sur le CD joint, par Manu (ex-Dolly). On aime beaucoup cette envolée lyrique qui fait prendre de la hauteur à la rock’n’roll attitude.
jeudi 24 mars 2022 :: Permalien
Publié dans Vinyle & Audio n° 11, mars-avril 2022.
Un livre-disque plus qu’original est né il y a peu. Poussières d’or est un livre de photos de Raphaël Rinaldi, avec une musique originale (et composée pour l’occasion) d’Emmanuelle Monet Tekini, alias Manu (ex-chanteuse de Dolly).
« Poussières d’or est une balade photographique sur les toits de Paris. Chaque artiste porte des ailes d’anges fabriquées à partir de cordes de piano. Elles symbolisent la musique qui est le paradis de chaque musicien… » nous précise le dossier de presse. Ce qui est une formidable porte ouverte à l’onirisme et l’intemporalité de Raphaël. De son côté, Manu a opté pour un habillage électro-cabaret pour habiller les mots de Baudelaire, Théophile Gautier ou Dominique A.
vendredi 18 mars 2022 :: Permalien
Entretien avec Dimitri Manessis et Jean Vigreux diffusé sur le podcast Quoi de neuf en histoire ?, le 15 mars 2022.
vendredi 18 mars 2022 :: Permalien
Publié dans lundimatin#330, le 14 mars 2022.
Traductrice de grandes écrivaines, ce qui lui a suggéré l’écriture du superbe Journal d’une traduction, Marie-Hélène Dumas est présentée par certaines notices comme romancière. Tout éloignée qu’elle est des mensonges putassiers (quoique parfois divertissants) de l’autofiction, peut-être faudrait-il inventer à son sujet le titre de bioromancière. Tout en publiant de bien beaux récits à fortes résonances autobiographiques.
Que ce soit dans Lumières d’exil, qui raconte Germaine Krull (1897-1987), photographe révolutionnaire, ou dans Sylvia Pankhurst, sur la peintre révolutionnaire (1882-1960) critiquée par Lénine pour son gauchisme, elle fait sentir sans cesse le lien intime qu’elle noue avec sa personnage tout en recourant au stratagème qui est à la base de tout l’art du roman : se mettre à la place de l’autre. Avec son Kate Millett, pour une révolution queer et pacifiste (Libertalia), elle porte cet art-là à des intensités qui brouillent définitivement les frontières : si c’est bien une « biographie romancée », la part de roman (et même de romance) que comporte cette narration ultradocumentée ne fait qu’y apporter un surcroît de vérité. Les documents, comme l’atteste la bibliographie finale, ce sont des interviews, des ouvrages nombreux, mais aussi principalement les livres de Kate Millett elle-même, qu’elle évoque sans pouvoir les citer car, comme Marie-Hélène Dumas nous l’apprend au détour d’un paragraphe : « Citer abondamment une autrice américaine dont les livres ne sont pas encore dans le domaine public, comme je l’avais fait dans un premier jet, coûte un paquet de dollars ». Mais ainsi qu’on pourra le vérifier à la lecture, cette contrainte est créatrice.
En nous racontant la vie et l’œuvre de Kate Millett, romancière, essayiste, cinéaste, plasticienne et l’une des mères fondatrices de la deuxième vague féministe mondiale, M. H. Dumas nous la rend si profondément proche qu’on a le sentiment d’avoir affaire à une camarade. De la vie de cette rejetone d’une bourgeoisie américaine confite en conformisme, on ressent le déchirement qui l’accompagnera jusqu’à la fin, entre son attachement à une famille cultivée et aimante, et l’insurmontable esprit patriarcal – en l’occurrence principalement porté par des femmes qui rejettent ce ludion lubrique « lesbienne, sculptrice inconnue, virée de la fac, autrice de livres pleins de scènes de cul, et dingue » au point de réussir à la faire interner plusieurs fois, et jusqu’en Irlande où elle était allée porter sa solidarité aux femmes de la prison d’Armagh. Car si Millett nous est si proche, c’est aussi par son refus de se cantonner à un seul combat, et son rejet de toute forme d’assignation, y compris celle que voudraient lui imposer certaines sœurs féministes, à elle qui aime les femmes mais vivra une grande partie de sa vie avec un homme, un artiste japonais bien aimé. Il n’est sans doute pas indifférent que les deux fois où on l’a mise de force en hôpital psychiatrique, ce fut quand elle défendit de manière que certains trouvèrent sans doute trop exaltée des détenus, l’un de Trinidad et Tobago promis à la pendaison, les autres, femmes irlandaises contraintes à couvrir en forme de protestation les murs de leurs cellules du sang de leurs menstrues.
Lire ce livre, c’est aussi revivre les années 1970, une époque née avec tant de groupes aux noms réjouissants : New York Radical Women, Youth International Party, White Panther Party, Radical Lesbians, et notre préféré, Women’s International Conspiracy from Hell (Conspiration internationale des femmes venues de l’enfer) : WITCH (sorcière). C’est revivre le 8 mars 1979 en Iran, au lendemain de la révolution populaire qui avait renversé le Shah, quand le voile noir de l’intégrisme n’était pas encore définitivement tombé sur les femmes et qu’elles avaient pu encore partir à quelques milliers, en manif sauvage pour exiger leurs droits, avec parmi elles Millett qui se ferait expulser. C’est revivre à New York ou Poughkeepsie l’exaltation de ces femmes et de ces hommes qui, pour fabriquer leurs œuvres d’art aussi bien que pour bâtir un domaine d’accueil pour femmes artistes sciaient, coupaient, collaient, peignaient – on scie et on colle beaucoup dans ce récit. C’est revivre le moment où Millett découvre le réel complexe de la vie des prostituées et le retranscrit sans moralisme, en restituant la langue dans laquelle il est raconté.
Revivre tout cela, en fait, dans l’époque si sombre que nous traversons, c’est revivre.
Serge Quadruppani
vendredi 18 mars 2022 :: Permalien
Publié dans Liberté Hebdo, mars 2022.
Les historiens Dimitri Manessis et Jean Vigreux ont consacré une biographie à Rino Della Negra. Originaire de Vimy, ce footballeur du Red Star et résistant FTP a été assassiné par les nazis en février 1944.
Lors de la saison « 2017-2018 », Dimitri Manessis, doctorant en histoire, tombe sur une écharpe de supporters du Red Star, le club mythique de Saint-Ouen aujourd’hui en National (3e division). Il y est mentionné une tribune du nom de Rino Della Negra. C’est le début d’une aventure littéraire et historiographique menée de concert avec Jean Vigreux, son directeur de thèse d’alors.
Culture antifasciste
Le fruit de leurs investigations est paru en librairie. Eclairant un certain nombre de zones d’ombre, l’ouvrage évoque l’itinéraire de ce « footballeur et partisan » né à Vimy le 18 août 1923. Originaire du Frioul, son père travaille en effet comme briquetier dans l’Arrageois avant de gagner Argenteuil, trois ans plus tard. C’est dans cette ville de la banlieue rouge de la région parisienne que Rino grandit. En février 1943, il devient réfractaire au Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne et entre dans une semi-clandestinité. Dans le quartier italien de « Mazzagrande », la culture internationaliste et antifasciste est omniprésente. D’aucuns ont fui l’Italie de Mussolini. D’autres sont allés combattre Franco en Espagne. Aussi Rino a tôt fait de franchir le pas de la résistance à l’occupant nazi. Au sein du groupe Manouchian (FTP/MOI), il fait ses premiers pas dans la lutte armée. Il signe pourtant au Red Star Olympique à l’été 1943. Aussi incroyable que cela puisse paraître, « avec de faux papiers et une nouvelle adresse, il a été recruté, s’est entraîné, a joué… sous son vrai nom, sans être repéré », signale Dimitri Manessis. Arrêté à Paris en novembre 1943 suite à un attentat contre des convoyeurs de fonds allemands, il est, comme Cesare Luccarini (originaire de Pont-à-Vendin), Robert Witchitz (Abscon) et d’autres partisans du groupe Manouchian, fusillé au Mont-Valérien le 21 février 1944.
Adulé au Red Star
Pour nourrir leur récit, les auteurs se sont appuyés sur des archives inédites, familiales notamment, avec à la clé une biographie largement renouvelée de Rino Della Negra. Ils apportent d’utiles précisions sur les circonstances de son arrestation et la façon dont a été mené le procès des « Manouchian ». Ils interrogent tout autant les motivations de l’haineuse campagne de dénigrement menée par les autorités d’occupation à travers la diffusion de la fameuse « Affiche rouge » chantée plus tard par Léo ferré, tordant au passage le cou au mythe d’une responsabilité du PCF dans le démantèlement du groupe. Enfin, Dimitri Manessis et Jean Vigreux reviennent largement sur la façon dont sa mémoire a été entretenue depuis la Libération tant à Vimy où le PCF lui rend hommage chaque année en février que du côté de Saint-Ouen où régulièrement les supporters du Red Star chantent les louanges de cette « icône de l’antifascisme ».
Jacques Kmieciak