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> Une belle grève de femmes dans Les Nouvelles de Loire-Atlantique
jeudi 21 novembre 2024 :: Permalien
Publié dans Les Nouvelles de Loire-Atlantique, n° 1078, 12 novembre 2024.
À Douarnenez en 1924, des milliers de filles d’usine œuvrent dans les conserveries de sardines, appelées au turbin par des contremaîtresses qui battent le rappel à l’arrivée des marins et de leur cargaison. Le travail est épuisant, pouvant parfois les maintenir debout jusqu’à dix-huit heures d’affilée, les pieds dans les viscères de la poiscaille. L’activité sardinière, c’est aussi la fabrication de millions de boîtes de conserve, notamment par l’usine Carnaud d’où partira l’étincelle d’une grève qui mettra tout Douarnenez à l’arrêt, grève suivie rapidement par le pays entier, grève dont les initiatrices sortiront victorieuses, après plusieurs mois de lutte.
Avec son livre sur ce moment d’histoire, Anne Crignon nous donne à voir le monde des sardineries du début du XXe siècle ainsi que les conditions de travail totalement dégradées des ouvrières parmi les plus mal payées de France, les heures supplémentaires à rallonge non rémunérées, le mépris des patrons et de leurs sous-fifres, les rancœurs qui grandissent. L’autrice nous donne à voir par ailleurs les manœuvres des patrons, intraitables et sûrs de leur bon droit, qui se réunissent à Quimper pour garder la distance, le Comité des forges, puissant syndicat patronal ennemi déclaré du prolétariat, des gros bras mercenaires venus de Paris pour briser la grève.
Mais Anne Crignon nous montre aussi le drapeau rouge usé de la grève des sardinières et des soudeurs de 1905 ressorti, les manifestations désordonnées du début qui s’organisent peu à peu, les chants de toutes les luttes entonnés par les rues et les meetings, ceux que l’on invente pour la circonstance, cette solidarité qui fait bloc dans la ville, la région puis l’ensemble du pays.
De cette histoire lutte vont émerger, au milieu de la foule en mouvement, quelques figures exemplaires, de la journaliste de L’Humanité Lucie Colliard au maire communiste Daniel Le Flanchec avec une attention particulière portée à Joséphine Pencalet qui sera ensuite élue au conseil municipal, élection invalidée par un Conseil d’État qui ne pourra pas admettre qu’une femme puisse être élue à une époque de suffrage uniquement masculin.