Le blog des éditions Libertalia

Souvenirs d’un étudiant pauvre dans Ballast

jeudi 2 mai 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans la revue Ballast du 30 avril 2019.

On connaît de Jules Vallès Le Cri du peuple, le journal qu’il fonda quelques semaines avant le début de la Commune. Il y prit part dès son origine, rédacteur avec d’autres de la fameuse affiche rouge ; il en subit les conséquences, exilé comme tant d’autres les dix années suivantes. Ce court texte, écrit peu avant sa mort en 1884, revient sur les années qui encadrent ses 20 ans. Trois années marquantes pour l’histoire sociale (1848, la révolution de Février, les journées de Juin) et celle des espoirs déçus (1851, le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte). Trois années au bout desquelles le jeune Vallès en aura fini avec l’autorité : une fois le baccalauréat oublié — « J’étais étudiant malgré moi », se souvient-il —, c’est de ses parents qu’il s’affranchit. De ses débuts à Paris comme tant de ces étudiants désargentés mais ambitieux — laborieux et dangereux —, on en retiendra une mansarde, des désillusions amicales, diverses stratégies pour réussir à ne pas avoir trop faim, mais surtout l’âpre volonté d’un révolutionnaire qui se cherche. Se disant libre penseur ou républicain à une époque où le catholicisme régnait et où la République s’arrachait au prix d’une révolution, Vallès affine la critique de ceux qui l’entourent à leur contact. Plusieurs fois on pense à quelque jeune enragé qui n’a pas eu le temps de vivre la révolte. Il y a du Nizan chez Vallès, autant que l’inverse, tout dépend de qui vous avez lu en premier. Les premiers mots d’Aden Arabie résonnent à la lecture de ces Souvenirs : « J’avais vingt ans. Je ne laisserais personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Pour Vallès, la misère intellectuelle a au moins autant d’importance qu’un ventre vide, si celui-ci n’est pas trop bruyant. Devant tant de médiocres professeurs, il lance : « Je me jurai d’être toujours avec les rejetés ou les vaincus, et de n’aller aux grands que pour les griffer de mon rire, les écorcher de ma plume, ou les viser avec mon fusil. » Ce qu’on sait de la suite a prouvé la pertinence de la promesse.

R.B.