Le blog des éditions Libertalia

Trop jeunes pour mourir, dans Le Combat syndicaliste

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension de Trop jeunes pour mourir, Le Combat syndicaliste, janvier 2015.

Résister à la boucherie.

La guerre de 14-18 a commencé des années avant. Bien avant l’ouverture du conflit, il y a déjà une montée de la tension, du nationalisme, du patriotisme, de l’esprit va-t-en-guerre, avec un arrière fond nauséabond de frénésie antiboche. Les temps sont encombrés du soutien à l’armée, et ses « vivelarmistes » défilant dans les rues derrière les bidasses sortant régulièrement des casernes pour parader en cherchant un appui populaire. Un climat délétère instauré bien avant que l’Assemblée nationale ne se colore furieusement de l’unanimisme bleu horizon. Les libertaires tentent pourtant de batailler contre cette guerre qui vient. Ils prévoient la grève générale pour bloquer l’économie et saboter la logistique d’une déclaration de guerre menaçante. Malgré les 600 000 grévistes en 1912, ce sera un fiasco. Le soutien aux désertions, les campagnes antimilitaristes, le financement via le « Sou du soldat » ont des succès très relatifs. Échec aussi, la campagne contre l’allongement de la conscription, passant de deux à trois ans le temps sous les drapeaux. Durée qui sera, de fait, souvent écourtée sous les bombes, la mitraille ou le gaz moutarde.
Le moins qu’on puisse dire c’est que ces vifs débats internes ont donné lieu à de profondes divisions, voire des plaies impossibles à refermer. Hormis la mort dans les tranchées de nombreux militants mobilisés, l’affaiblissement du mouvement libertaire après la fin de cette Première Guerre y doit sans doute pas mal. D’autant que ça tombe au moment des procès des « bandits tragiques » et membres de la bande à Bonnot, qui n’ont pas brillé par un sens de la solidarité et de la revendication politique, discréditant les sous-familles des anars individualistes et illégalistes. Sans parler des choix stratégiques, il y a déjà des dissensions entre réformistes et révolutionnaires, tant chez les anars qu’au sein des syndicalistes révolutionnaires.
Les femmes soient bien peu visibles dans ce travail d’archives puisant dans les journaux et les rapports de police, malgré la grève des ménagères manifestant contre la vie chère sur les marchés lors de l’été 1911.
Trois titres de presse concentrent la trace de ces déchirements, Le Libertaire, La Guerre sociale et La Bataille syndicaliste. On croise ainsi Gustave Hervé, figure du renégat, à la tête du journal La Guerre sociale, anar passé aux socialistes, prônant le « désarmement des haines » qui est en fait le rapprochement de la CGT avec le PS réformiste. Les anars se laissent aussi polluer par le nationalisme, voire l’antisémitisme, la dénonciation des francs macs qui vire parfois au complotisme.

Ça paraît tomber à pic, ce flashback dans l’histoire, pour repenser le confusionnisme qui baigne notre époque, déjouer les pièges d’un masque anticapitalisme bricolé avec un brin d’antisionisme primaire et dévoyé par des Soral et Dieudonné, qui sert en fait la haine antisémite, avec l’extrême droite à la manœuvre. Et l’union sacrée mobilisée contre le terrorisme revêt les mêmes dangers et ardeurs bellicistes que la guerre imminente de ces années 1910.

Nicolas, Interco Nantes