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Mika Etchebéhère sur Mediapart

mardi 25 août 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru sur Mediapart le 7 août 2020.

Mika Etchebéhère, guerrière et libertaire

Combattante de l’émancipation, l’Argentine Micaela Etchebéhère l’a été sur le front espagnol contre les troupes franquistes. Évoluant entre les milieux anarchistes et communistes, elle illustre une dissidence de gauche qui se reconnaissait dans la révolution mais pas dans l’autoritarisme. Premier volet de notre série sur les combattants de l’émancipation dans le chaos des années 1930.

Comment « Mika » est devenue « la Capitana »

Le premier destin qui inaugure cette série penche davantage vers le pôle activiste que vers le pôle théorique de l’engagement. Non pas que l’activité intellectuelle ait été étrangère à Mika Etchebéhère, qui participa à plusieurs aventures éditoriales typiques de l’opposition de gauche au stalinisme. Mais seule la volonté de s’approcher au plus près des situations révolutionnaires explique pourquoi cette Argentine, née en 1902 à Moisés Ville, petite commune fondée par des Juifs fuyant les persécutions en Russie et en Europe de l’Est, a bien failli disparaître à Madrid, en 1937. 
L’épisode ne figure pas dans ses mémoires de guerre, qui s’achèvent sur l’attaque d’une colline. Mais, pendant un mois, entre mai et juin 1937, Mika Etchebéhère (née Micaela Feldman) a été détenue dans une geôle madrilène, à la suite de son arrestation par des agents staliniens. Ayant le tort d’être une combattant du Poum, un parti marxiste révolutionnaire non aligné sur l’Union soviétique, elle devra son salut à l’intervention de Cipriano Mera. Dirigeant anarcho-syndicaliste de la CNT, ce dernier était alors à la tête de la quatrième division de l’Armée populaire de la République espagnole, fort d’un succès sur le front de Guadalajara. Dans cette atmosphère de règlements de comptes au sein du camp qui défendait la République contre le putsch militaire du général Franco, d’autres ont eu moins de chance, comme l’anarchiste italien Camillo Berneri, dont le destin sera évoqué dans le dernier épisode.
Vingt et un ans plus tôt, à Rosario, où sa famille avait déménagé, Mika n’est encore qu’une adolescente lorsqu’elle s’engage dans des groupes anarchistes, dont l’un exclusivement féminin qui s’est baptisé Louise-Michel. En 1920, alors qu’elle étudie l’odontologie à Buenos Aires, des amies lui présentent Hippolyte Etchebéhère, animateur d’un groupe et d’une revue de sensibilité communiste libertaire, Insurrexit. Le coup de foudre est amoureux autant qu’intellectuel avec ce jeune homme de bonne famille, entré en dissidence depuis qu’il avait assisté à la Semaine tragique de janvier 1919, durant laquelle des ouvriers grévistes et des Juifs (supposés russes et donc partisans des soviets) ont été massacrés par les forces de l’ordre et des groupes parapoliciers.
À quelques mois d’intervalle, tous deux adhèrent au Parti communiste argentin, où ils investissent une énergie militante débordante. Alors que Mika craignait de ne pas supporter la discipline d’un parti, en raison de son « esprit libertaire », comme elle le racontera plus tard, ils se heurtent vite à la ligne dictée depuis Moscou, qui fixe des bornes étroites à la libre discussion dans laquelle ils ont toujours baigné. À force de ruer dans les brancards et d’affirmer leur sympathie pour Trotski, devenu la bête noire de Staline, ils se font exclure à la fin de l’année 1925 et fondent, quelques mois plus tard, un petit parti communiste ouvrier.
Pendant quelques années, le couple part vivre en Patagonie. Le cadre est plus approprié à Hipólito, qui souffre de la tuberculose. Tout en allant à la rencontre des travailleurs subalternes de la région, victimes eux aussi de véritables massacres à la suite de la Semaine tragique, les deux militants exercent la médecine dentaire et gagnent un peu d’argent pour financer les voyages qu’ils projettent en Europe.
Devant la splendeur de ce vaste territoire peu habité, la « tentation » gagne Mika d’une vie paisible, près du lac Futalaufquen, qui serait possible grâce à la généreuse aide à l’installation proposée, à l’époque, par les autorités. Mais leur pacte amoureux et politique n’était pas celui-là : leur vœu commun consiste à se battre pour la révolution, là où celle-ci s’annoncerait imminente – raison pour laquelle aucun enfant n’est né de leur union, afin de rester libres de toute attache au moment de participer à l’Histoire.
En 1931, les deux Argentins quittent donc leur pays pour le Vieux Continent. Ils passent par l’Espagne, où la République vient d’être proclamée, la société se polarisant sur la question de la séparation de l’Église et de l’État. Ils ne s’y arrêtent pas, poursuivant jusqu’à Paris, où ils entendent perfectionner leur formation politique grâce à la riche vie militante et culturelle qu’abrite alors la capitale française. De leur mansarde, ils parcourent les librairies, les bibliothèques, les musées et partent à la rencontre des militants internationalistes.
La romancière Elsa Osorio, qui a eu la chance de consulter les manuscrits personnels de Mika consacrés à cette période, écrit à l’héroïne qu’elle a mise en scène dans La Capitana : « Je suis éblouie par la vie que vous meniez, une vie simple, riche, libre et engagée, unique, éthique et belle, la vie des idées, des émotions, de la passion partagée pour un monde meilleur. Je vous vois si heureux dans le cahier bleu… » Paris n’est cependant qu’une étape avant Berlin, considéré comme le véritable épicentre du basculement révolutionnaire espéré par Mika et Hipólito.
En dépit de l’exclusion qu’ils ont subie sept ans auparavant, ils s’inscrivent aux cours de l’école du Parti communiste allemand. Ils fréquentent néanmoins le groupe de Wedding, animé par Kurt Landau, un communiste autrichien opposant à la ligne stalinienne, qui s’est fait exclure en 1928 dans son pays et s’est installé à Berlin sur les conseils de Trotski. Ayant pris ses distances avec ce dernier, Landau s’engagera, lui aussi, dans les rangs du Poum, en Espagne, avant de disparaître en septembre 1937, probablement assassiné par des agents soviétiques.
En attendant cette guerre-là, Mika et Hipólito vivent les dernières élections législatives en Allemagne, la nomination d’Hitler au poste de chancelier en janvier 1933 et l’incendie du Reichstag, dans la nuit du 27 février. Ils quittent le pays peu après, les arrestations de militants de gauche et les persécutions des juifs rendant leur séjour trop dangereux.
Entre-temps, ils ont assisté à l’incapacité de la gauche à prendre la mesure du danger nazi et à bâtir un front uni efficace contre sa progression. Si les sociaux-démocrates ont leur part de responsabilité, les communistes du KPD suivent alors la ligne sectaire fixée à Moscou (« classe contre classe »), en traitant les premiers comme des ennemis. Aux deux Argentins médusés, des militants expliquent doctement comment la montée du nazisme ne fait que précipiter la situation révolutionnaire.
Syndicats et partis de gauche sont pourtant balayés, en quelques semaines. Quarante ans plus tard, Mika racontera leur sidération devant la passivité des dirigeants du mouvement ouvrier et l’écrasement brutal d’organisations riches de six décennies de luttes. « Dans ces mornes journées qui précédèrent l’arrivée d’Hitler au pouvoir, écrit-elle dans ses Mémoires, ni le parti social-démocrate ni le parti communiste ne voulurent déclencher la lutte pour s’en emparer. Et leurs troupes, élevées dans une longue tradition de discipline politique, ne pouvaient envisager de combattre en rangs dispersés, sans ou contre leurs chefs, qui avaient tout brouillé, tout faussé. Et la “nuit des longs couteaux” tomba sur la classe ouvrière la plus éclairée des années trente, la plus éprouvée et la mieux armée pour la lutte. »
De retour à Paris, le couple fait le bilan de cette expérience traumatique, Hipólito publiant, sous pseudonyme, un essai remarqué sur « la tragédie du prolétariat allemand ». En 1934, retrouvant Kurt Landau, qui s’est, lui aussi, exilé, ils animent, avec le Français André Ferrat, une revue, Que faire ?, qui se proclame communiste mais s’oppose à la ligne de l’Internationale contrôlée par Moscou. Pour subvenir à leurs besoins, Mika multiplie les traductions et les cours de langue particuliers.
La santé d’Hipólito se dégradant, le projet mûrit de rejoindre le climat sec de l’Espagne, où le Front populaire a gagné les élections dans un climat violent, une effervescence politique qui ne peut que les consoler du désastre allemand. Alors que les grèves historiques de mai-juin 1936 se déroulent en France, Mika prépare de quoi rejoindre son compagnon, qui l’a précédée à Madrid. À peine est-elle arrivée que le coup d’État franquiste est lancé depuis le Maroc, le 17 juillet. Leur destin bascule irrémédiablement.
Les mémoires de la combattante volontaire Mika Etchebéhère, publiées pour la première fois en 1976 aux éditions Denoël, débutent par la nuit du 18 juillet, durant laquelle les partisans du régime se sont spontanément mis à la recherche d’armes pour résister au coup d’État militaire. « De tous les quartiers, les hommes et les femmes sont venus à la Puerta del Sol, raconte-t-elle. Ils se sont arrêtés un moment, surpris devant le ministère de l’intérieur et ont écouté le message, mille fois répété, qui parle d’ordre, de calme et de loyauté ; ils haussent les épaules et poursuivent… L’heure n’est plus aux palabres. Où donne-t-on des armes ? Qui a des armes ? Le gouvernement armera-t-il enfin le peuple, les syndicats, les partis ouvriers ? »
Finalement, c’est auprès de camarades du Poum que les Etchebéhère se préparent pour le front. « Nous n’en faisons pas partie, mais c’est l’organisation la plus proche de notre petit groupe d’opposition communiste et nous y comptons des amis personnels », explique Mika. Finalement, son compagnon se retrouve à la tête d’une colonne motorisée comptant une centaine d’hommes, envoyée vers Guadalajara. Hipólito, enthousiaste et attentif à endurer le même sort que les combattants ordinaires, bénéficie rapidement d’un grand prestige auprès des hommes qu’il commande. Mais, au bout de quelques jours seulement, à l’assaut d’un village, une balle l’emporte.
Dévastée, Mika refuse pourtant de revenir à Madrid ou en France. Le front restera son horizon et les hommes de la colonne, ses camarades de combat. Protégée autant que protectrice de ces derniers, elle gagne leur respect et leur admiration, au point qu’ils font d’elle leur nouvelle cheffe. Devenue responsable de cette compagnie, elle sera promue au rang de capitaine dans l’Armée populaire de la République espagnole, en 1937. Entre-temps, elle aura tenu le siège impitoyable de la cathédrale de Sigüenza, qu’une poignée de miliciens protègent contre les bombardements et la mitraille franquistes, peu à peu tenaillés par la soif et la faim. Arrivés au bout de leurs forces, ils délaissent l’édifice pendant la nuit et parviennent miraculeusement à s’échapper pour rejoindre Madrid.
Cet épisode et d’autres, avant qu’elle ne soit capturée et « expulsée de la guerre » en 1937, restant tout de même à l’arrière pendant deux années supplémentaires, sont racontés par Mika dans Ma guerre d’Espagne à moi, récemment réédité par Actes Sud, puis les éditions Libertalia. L’ouvrage est un des témoignages, avec celui plus connu de George Orwell (Hommage à la Catalogne), qui rappellent que le volontariat étranger contre le franquisme ne s’est pas résumé aux Brigades internationales contrôlées par les communistes.
Évidemment, son originalité est aussi de raconter le parcours d’une femme commandant des hommes, moyennant une négociation des rapports de genre toute particulière. Si l’inversion du lien d’autorité est acceptée, c’est aussi qu’il est gagé sur la « désexualisation » de la cheffe. Celle-ci n’est pas seulement courageuse mais aussi chaste, ses rencontres avec des hommes extérieurs au groupe suscitant d’ailleurs méfiance et jalousie.
À cet égard, l’expérience de Mika Etchebéhère peut se lire à la fois comme une des déclinaisons d’un engagement féminin dans la guerre d’Espagne qui a été longtemps sous-estimé, mais aussi comme une véritable exception. On le mesure grâce au travail de la chercheuse Renée Lugschitz, qui estime qu’au moins 500 à 600 femmes, peut-être même jusqu’à un millier, se sont rendues dans la péninsule Ibérique, entre 1936 et 1938, pour défendre la République.
Loin de n’avoir été que des accompagnatrices de volontaires masculins ou de ne s’être dévolues qu’à des tâches de soin alors considérées comme typiquement féminines, elles sont souvent venues seules, avec des motivations idéologiques claires, et certaines d’entre elles se sont enrôlées au sein de milices parties sur le front.
Il n’en reste pas moins, convient Lugschitz, que Mika Etchebéhère « fut l’unique étrangère de la guerre civile espagnole qui eut le commandement de soldats ». La militarisation des milices, avec la constitution d’une armée régulière de la République, s’est d’ailleurs traduite par une relégation des femmes en deçà du front et à des tâches davantage genrées.
Tout en ayant déjoué en Espagne la traditionnelle répartition des rôles qui les aurait attendues dans leurs pays, les volontaires ont bien subi « un plafond indépassable : si les femmes pouvaient être des camarades, dans les milices comme dans les Brigades internationales, elles étaient exclues des postes de responsabilité.  […] La plus grande évolution de carrière possible pour une femme était de devenir infirmière-cheffe ou médecin-cheffe dans un petit hôpital »
La chercheuse souligne toutefois que beaucoup d’entre elles ont exigé de leurs camarades une égalité de traitement. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’une fois revenue du front Mika ait rejoint l’organisation féministe libertaire Mujeres Libres (Femmes libres). Née en 1936, son but affiché était de mettre fin au « triple esclavage des femmes : l’ignorance, le capital et les hommes ».
Fondée sur une démarche d’auto-organisation et d’auto-éducation (avec notamment des cours d’alphabétisation), conjuguant la lutte contre la domination de genre et la domination de classe, l’organisation Mujeres Libres s’est heurtée à une absence de reconnaissance des grands mouvements libertaires animés par des hommes, tout en refusant d’être chapeautée par le parti communiste.

Dans les marges dissidentes du mouvement ouvrier  

De retour en France à la fin de la guerre civile, gagnée par les franquistes, Mika s’enfuit avant l’occupation nazie, rejoignant son pays natal pour toute la durée de la guerre. Elle collabore alors à Argentina Libre, un hebdomadaire antifasciste qui s’opposera aussi à la montée en puissance du mouvement péroniste.
Elle signe également des articles dans la revue littéraire Sur, dont le premier évoque la mort d’un enfant de 15 ans sur le front espagnol, c’est-à-dire l’épisode qui clôt ses mémoires de guerre. D’une grande tristesse, le moment est l’occasion d’une réplique cinglante à Cipriano Mera, qui met ses larmes sur le compte de son sexe : « C’est vrai, femme après tout, et toi, avec tout ton anarchisme, homme après tout, pourri de préjugés comme n’importe quel mâle. »
Dès 1946, Mika choisit de rentrer à Paris. Exerçant le métier de traductrice, elle y retrouve des amis d’avant guerre. Le temps n’est plus à la révolution, mais, en Mai-68, elle sympathise avec les manifestants de son quartier et, à la fin des années 1970, elle participe à des manifestations contre la dictature argentine. C’est à l’âge de 90 ans qu’elle s’éteint, en juillet 1992. Ses cendres sont jetées dans la Seine par le poète Guy Prévan, disparu, pour sa part, en 2017.

Jusqu’au bout de sa vie, elle aura résisté à l’esprit de chapelle et à l’encasernement idéologique ayant tant marqué les heures tragiques du siècle qu’elle a traversé. Depuis ses premiers pas en politique en Argentine, son adhésion à l’idéal d’une société délivrée du joug du capital et du patriarcat s’est toujours exprimée aux marges du mouvement ouvrier : dans l’action surtout, dans l’espérance aussi de l’unité de celles et ceux partageant cet idéal, mais toujours dans le refus d’y sacrifier la liberté et l’autonomie de jugement.
Ses années de militantisme les plus actives l’ont d’ailleurs vue fréquenter des communistes « oppositionnels », ainsi que l’on appelait ceux qui refusaient de s’aligner sur la ligne définie à Moscou, l’ayant souvent payé d’une exclusion de leur parti d’origine. Parmi eux, il faut citer le couple Rosmer, Alfred et Marguerite, dont le premier, un des fondateurs de la Troisième Internationale, se révéla de plus en plus critique du régime soviétique et dénonça les crimes staliniens. Il fut l’un des proches de Trotski, en dépit de frictions politiques. 
C’est dans une lettre aux Rosmer que Mika exprime, en 1941, son agacement envers les trotskistes argentins qu’elle fréquente. « Ils sont aussi butés que les staliniens, cingle-t-elle. Il n’y a pas longtemps, un d’eux m’a dit, en parlant d’Hippo, qu’il était mort en centriste. Du moment qu’il commandait une colonne du Poum, il ne pouvait être qu’un “centriste”. J’ai un tel dégoût de tout ce charabia pseudo politique que je fuis systématiquement toute discussion. Tous ces gens qui se nourrissent de textes mal digérés me tapent sur les nerfs. »  
Le Poum, qu’elle avait rejoint en Espagne, n’était, de fait, pas trotskiste, bien qu’ayant subi, lui aussi, les foudres staliniennes. L’analyse de la nature du régime soviétique par ses dirigeants se voulait plus sévère que celle de l’ancien compagnon de Lénine, en le qualifiant d’« État bureaucratique » plutôt que d’« État ouvrier dégénéré ».
La tactique suivie par le parti, à savoir une intégration au sein du Front populaire tout en conservant sa spécificité, ne correspondait pas, non plus, aux préconisations qui leur étaient faites par les membres de la Quatrième Internationale.
Au demeurant, explique Michel Christ dans un petit ouvrage consacré à ce parti original écrasé par les staliniens puis les franquistes, « durant la guerre, la politique du Poum ne partit jamais de principes idéologiques orthodoxes ou dogmatiques. Sa politique d’alliance s’adressa à tous les groupes, partis et organisations disposés à offrir l’aide indispensable pour faire face aux nécessités militaires, organisationnelles et politiques […], des bordiguistes italiens jusqu’aux trotskistes français qui s’enrôlèrent dans les rangs du Poum, en passant par toutes les positions politiques dissidentes de la gauche réformiste et stalinienne qui existaient en Europe ».
Pour avoir été relativement impuissant, cet espace de dissidence n’en a pas moins été créatif, peuplé de femmes et d’hommes au courage et aux intuitions parfois remarquables. Leur mémoire est cependant à l’image de leurs trajectoires politiques, cantonnée aux marges du mouvement ouvrier.
La romancière Elsa Osorio, qui a contribué à populariser l’histoire de « la Capitana », l’explique fort bien dans la postface de son enquête romancée. Découvrant son intérêt pour cette femme, de nombreux amis lui demandent alors avec insistance si elle se reconnaît dans le trotskisme.
« Cette façon de réduire l’histoire à des étiquettes, écrit Osorio, allait être un écueil auquel je me heurterais souvent pendant cette recherche, des rochers difficiles à éviter, qui se sont amoncelés jusqu’à former un mur moisi qui empêchait que des figures comme celles de Mika – et de tant d’autres antifascistes qui ont vécu la grande aventure intellectuelle et révolutionnaire du XXe siècle – de prendre leur véritable dimension. Aucun parti, aucune organisation politique ne transmet en héritage aux générations futures l’épopée de Mika. » 
Son propre témoignage et le récit de sa vie, disponibles en français, permettent néanmoins à toutes celles et ceux qui le souhaiteraient de combler cette lacune et d’approcher, par ce moyen, le feu de l’engagement qui anima Micaela Etchebéhère.

Fabien Escalona