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Une belle grève de femmes sur le site de Ballast

jeudi 6 juillet 2023 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

publié sur le site de Ballast, le 1er juillet 2023.

Beaucoup ont connu les sardinières, celles de Douarnenez, par le biais d’une chanson entonnée à l’occasion d’une manifestation ou d’une veillée. « Écoutez l’bruit d’leurs sabots / voilà les ouvrières d’usine », commence le refrain en l’honneur des grévistes de l’année 1924. Un refrain que la journaliste Anne Crignon a entendu souvent elle aussi. Toutefois, son livre ne commence pas par des vers, mais par une image. C’était un jour d’hiver : une vieille photographie trouvée dans une brocante déclenche une obsession. « Ces sardinières d’usine, je les disais depuis longtemps mes sœurs ; à vingt ans par romantisme, à quarante ans par engagement », écrit-elle en introduction. Un livre plus tard, la relation s’est affermie : après la contemporaine des sardinières Lucie Colliard, la documentariste Marie Hélia, la chercheuse Anne-Denes Martin et la chansonnière Claude Michel, Anne Crignon relate à son tour et magnifiquement la vie de celles qui étaient alors les ouvrières les moins bien payées de France. On s’étonne du peu d’écho qu’a eu la grève des sardinières jusqu’à présent : « Alors que ce soulèvement fut l’un des plus éclatants de la IIIe République […], on ne trouve quasi pas de noms ni de visages pour représenter celles qui marchèrent quarante-huit jours dans la ville et le froid. » Si quelques figures apparaissent dans une série de photographies — la déjà citée Lucie Colliard, enseignante communiste et première exégète du mouvement, Daniel Le Flanchec, l’historique maire « rouge » de la ville, ou encore Joséphine Pencalet, actrice de lalutte et première femme élue de France alors que les femmes ne votaient pas encore — le mouvement se présente sous un jour collectif. Durant un hiver, « Douarnenez plonge avec joie dans le communisme ». En dépit du violent mépris des capitaines d’industrie, de la pâleur des remontrances du gouvernement à l’égard des patrons, de l’arrivée de quelques briseurs de grève aguerris, la protestation tient bon et finit victorieuse. « En six semaines, des sardinières sans éducation politique ont appris le rapport de force » note l’autrice, qui convainc que, malgré l’adversité, « aucune [lutte] n’est perdue d’avance ».

E.M.