Le blog des éditions Libertalia

Les Prédateurs du béton dans Le Canard enchaîné

mercredi 18 décembre 2013 :: Permalien

Chronique des Prédateurs du Béton parue dans Le canard enchaîné du 18 décembre 2013.

Péage ou pillage ?

Version rose : avec un chiffre d’affaires de 38,6 milliards d’euros et un bénef de près de 2 milliards, Vinci est une multinationale conquérante et moderne. Grâce à ses activités multiples dans les parkings, les autoroutes, le BTP, les aéroports, le TGV, les stades de foot, etc. Ce qui permet à ses 192 700 salariés d’apprécier pleinement ce slogan maison : « Les vraies réussites sont celles que l’on partage. »

Version noire : Vinci est constitué d’un agglomérat de quelque 2 500 entreprises hétéroclites. « Cette échelle humaine tant célébrée, note le journaliste Nicolas de la Casinière1, est aussi le lieu du paternalisme, du corporatisme et des rapports de force, forcément moins favorables aux salariés les plus isolés.  » Taux de syndicalisation encore plus bas que chez Bouygues ; recours à l’intérim de travailleurs déplacés ukrainiens, portugais, polonais ; conditions de travail pas toujours idéales (salarié de sa filière Eurovia mort d’un cancer de la peau après vingt ans à étendre du goudron sur les routes)…

Version rose : c’est notamment grâce au récent rachat, pour 3 milliards d’euros, de dix aéroports portugais que Vinci se porte bien : « Le trafic aérien, qui partout progresse plus vite que le PIB, a l’avantage de ne pas subir la morosité de la conjoncture terrestre » (Les Échos, 12/12).

Version noire : c’est sous l’injonction ferme du Fonds monétaire international et de l’Union européenne de réduire sa dette publique que le Portugal a dû privatiser ses aéroports, dont Vinci a obtenu la concession pour un demi-siècle. « Le groupe Vinci sait toujours profiter des crises qui agitent le globe.  »

Version rose : toujours d’après Les Échos (12/12), « c’est pour ne pas obérer les budgets municipaux que les premières concessions de parkings voient le jour dans les années soixante », et Vinci de les rafler quasi toutes. « Mais le “hit” de la période sera le rachat des Autoroutes du sud de la France, en 2005 », avec des concessions très juteuses et à très long terme…

Version noire : avec les péages, dont les prix augmentent chaque année bien plus que l’inflation, Vinci a «  érigé un système de pillage des usagers et des citoyens  ».

Version rose : Vinci a réintroduit 566 écrevisses à pattes blanches dans deux ruisseaux près de Besançon, et «  s’efforce d’atteindre les meilleurs standards environnementaux ».

Version noire : ses chartes «  sont pleines d’engagements peu engageants ».

Version rose : Vinci a emporté la construction du premier tronçon de l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, du sarcophage de Tchernobyl, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, etc. «  Jamais l’humanité n’a autant construit  », triomphe son pédégé.

Version noire : « une réussite où enfumages, avantages et pourcentages se partagent à tous les étages.  »

Devinette : quelle est la version la plus proche de la réalité ?

Jean-Luc Porquet